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Réaction au rapport de Benjamin Stora


Le Président de la République française écrit, dans sa lettre de mission adressée à l’historien Benjamin Stora : « Je souhaite m’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens [sic] ».

Cette mission s’inscrit dans une perspective politique clairement assumée puisque le 24 janvier 2020, Emmanuel Macron avait déclaré : « Les sujets mémoriels sont au cœur de la vie des nations [...] ils disent ce que vous voulez faire de votre pays [...]. La guerre d’Algérie est sans doute le plus dramatique. Je le sais depuis ma campagne [en référence à la campagne électorale de 2017] […]. La guerre d’Algérie c’est ce qui fait la Ve République ».

Le rapport établi dans le cadre de cette mission servira donc au candidat Macron à orienter ses choix politiques dans sa campagne pour les élections présidentielles et législatives de mars 2022 qui coïncideront avec le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie.

La respectabilité de l’État aurait gagné à ce qu’une telle démarche, éminemment complexe, s’accomplisse en toute neutralité et en toute justice, sans méconnaître une catégorie de victimes au profit d’une autre, sans privilégier une douleur mise en avant par rapport à telle autre restée digne et contenue.

C’est loin d’être le cas puisque les 2700 victimes algériennes et françaises de l’OAS sont les grandes oubliées du rapport, alors même que cette organisation terroriste et raciste a établi une « quasi-guerre civile entre Français entre 1960 et 1962 » et que, face aux multiples attentats de toute nature, la République a tenu bon grâce à celles et ceux qui lui sont restés fidèles et l’ont défendue au péril de leur vie.

Les partisans de l’OAS ont attenté à plusieurs reprises à la vie du chef de l’État. Ils n’ont pas hésité à mitrailler des jeunes appelés du contingent. À l’exception d’un seul, les officiers supérieurs morts dans le cadre de ce conflit armé, ont été assassinés par des terroristes français. Sans parler des policiers, des magistrats, des élus, des enseignants, algériens et français tous confondus, de simples passants abattus au faciès, etc.

Le rapport dissimule au Président de la République cette face hideuse et meurtrière de la guerre. Les victimes et la douleur de leurs descendants sont ignorées. Or, si on veut apaiser les blessures mémorielles de la guerre d’Algérie, si le chef de l’État souhaite, comme il l’écrit, une réconciliation entre Français et Algériens, aucune victime de cette guerre ne doit être oubliée.

C’est exactement ce qu’a déclaré le maire de Paris en inaugurant le 6 octobre 2011 au cimetière du Père-Lachaise une stèle érigée en hommage aux victimes de l’OAS :

Je veux le dire pour les victimes, je veux le dire pour l’unité de la collectivité nationale : il n’y a pas d’unité du peuple français s’il a peur de la vérité. Il ne peut pas penser son avenir sur l’ambiguïté ou sur une sorte de lâcheté par rapport à l’Histoire.

D’autre part, il ne faut pas taire la responsabilité de l’Algérie : les victimes de l’OAS sont absentes du récit national. Depuis 2005, il est impossible de se recueillir devant le mur criblé de balles où six enseignants ont été massacrés le 15 mars 1962 par un commando de l’OAS. On ne peut pas, même une seule fois par an, respecter une minute de silence à la mémoire de Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Max Marchand et Salah Ould Aoudia, dirigeants de cette institution créée par l’amie de l’Algérie : Germaine Tillion.

Pour le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’indépendance, une plaque commémorative pourrait être apposée au ministère algérien de l’Éducation nationale, en hommage à ces six hommes de paix et de réconciliation, et inaugurée par le ministre algérien de l’Éducation nationale en présence de son homologue français.

Pour le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’indépendance, une stèle pourrait être élevée au cimetière d’El Alia en hommage aux Algériens et aux Français victimes de l’OAS et inaugurée par le maire d’Alger en présence de la maire de Paris. Pendant les mois meurtriers où l’OAS a livré sa guerre cruelle, elle a uni dans le sang et dans le deuil les peuples algérien et français. Ces victimes méritent d’être particulièrement honorées pour achever le travail de mémoire, de vérité et de réconciliation.

Jean-Philippe Ould Aoudia
Président de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons
Article publié dans El Watan le 26 janvier 2021
sous le titre : « Jean-Philippe Ould Aoudia, Mémoire, vérité et réconciliation »



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