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Discours de Jean-Philippe Ould Aoudia le 15/03/2023


Cette année encore, une cérémonie commémorative s’est déroulée mercredi 15 mars 2023 au ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques, 101 rue de Grenelle à Paris VIIe, devant la plaque apposée en hommage aux six dirigeants des Centres sociaux éducatifs massacrés par l’OAS le 15 mars 1962 au siège administratif de ce service de l’Éducation nationale à Alger.
Devant une assistance fournie, on notait la présence de représentants du monde combattant, de l’ONaCVG, d’universitaires, de présidents d’associations, de porte-drapeau, et celle de Monsieur Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques, accompagné de son chef de cabinet.
Nous reproduisons le discours de Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons.


Seul le prononcé fait foi

En 1960, notre professeur de philosophie au lycée Émile Félix Gautier d’Alger avait développé le sujet : « Sans oubli, pas de vie ? », en convoquant Nietzsche qui affirme : « Oubli, condition du bonheur ». Dans La Gangrène et l’Oubli, Benjamin Stora cite l’injonction de Freud : « N’oubliez pas l’oubli ! ».

Pour les descendants de victimes de l’OAS, interdiction nous est faite d’oublier parce que nos morts sont régulièrement diffamés et, de ce point de vue, l’importance de ce lieu de mémoire ainsi que les hommages rendus par le président de la République aux Six dirigeants des Centres sociaux éducatifs ont une portée toute particulière.

Sur le site internet d’une association à laquelle ne peuvent adhérer que d’anciens condamnés de l’OAS passés par la prison ou le pénitencier, dans la rubrique « Galerie. Album 2. Notre combat. Les attentats », figurent en bonne place, présentés comme des trophées de guerre, les portraits des Six avec leur nom, leur prénom et la légende : « Alger 15 mars 1962. Les 6 inspecteurs des centres sociaux exécutés par l’OAS pour collusion avec le FLN ». Quelles autres victimes et leurs familles subissent de telles violences ?

Je rappelle que Germaine Tillion, grande figure de la Résistance, déportée au camp de Ravensbruck, entrée au Panthéon en 2015, est la fondatrice des Centres sociaux en Algérie au sujet desquels elle a déclaré le 3 octobre 2003 :

De toutes les choses que j’ai faites dans ma vie, ce qui me tient le plus à cœur, c’est d’avoir créé les Centres sociaux en Algérie. D’autres choses que j’ai faites étaient aussi nécessaires et justes... Mais le Bien et le Mal étaient mélangés comme dans tout combat... Les Centres sociaux en Algérie, c’était œuvrer pour le Bien, un Bien qui n’était pas en opposition avec quelque chose. Un Bien créateur sans être destructeur.

La vérité est inscrite sur cette plaque qui permet à chaque descendant des Six de savoir que leur parent n’a pas été exécuté comme un coupable, mais assassiné en raison de son engagement pour les valeurs de la République. Votre présence mesdames et messieurs renforce la signification républicaine de ce lieu de mémoire.

Autre exemple. Une revue publiée par une association d’héritiers spirituels de l’OAS, subventionnée à hauteur de 6.000 €, consacrait 5 pages de son numéro de mars 2016 – mars, ce mois n’est pas fortuit – à l'éloge funèbre de celui qui avait procédé à l’appel des six noms le 15 mars 1962. On peut lire :

En mars 1962, il neutralisera six fonctionnaires dont Max Marchand, suppôt notoire du FLN et auxiliaire de l’administration gaulliste, qui, avec quelques autres indicateurs, signalaient aux terroristes FLN les victimes européennes qu’il convenait d’éliminer.

« Neutraliser » : la corruption des mots au service de la diffamation la plus abjecte. Marcel Basset s’était engagé dans le réseau de résistance « Voix du Nord » pour aider les aviateurs alliés dont l’avion avait été abattu par la DCA allemande. Robert Eymard était dans la résistance du Vercors à 17 ans. Ce que l’Allemagne n’a pas réussi à faire à ces deux patriotes au nom de l’idéologie nazie, l’OAS l’a commis au nom de l’Algérie française. Quelles autres victimes et leurs familles subissent de telles violences ? Heureusement, La Vérité est gravée sur cette plaque.

Dans les 73 numéros de notre revue Le Lien, non subventionnée, on ne trouvera que des documents dont la qualité justifie son inscription au catalogue international des périodiques. Pas d’insultes, pas de propos diffamatoires. Mais nous avons le devoir de relever ces défis mémoriels auxquels nous sommes confrontés parce qu’il y va de l’honneur des Six, agents de la fonction publique tombés au champ d’honneur de leur travail.

Dernier exemple. Sur un registre plus grave se situent les propos tenus à l’Assemblée nationale le 28 juin 2022 par un député originaire d’Oran, membre du RN : « Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes. L’OAS, je ne sais même pas bien ce que c’était. Ou presque pas. »

Prenons garde ! La fabrique de l’oubli est en marche. On pourrait dire bientôt, sans être démenti, que c’est une Parque, une funeste déesse de la mythologie romaine qui a coupé le fil de la vie du général Ginestet commandant le corps d’armée d’Oran, ainsi que le fil de la vie du médecin colonel Mabille, recueillis tous les deux devant la dépouille mortelle du colonel Mariot dont le fil de la vie avait été coupé la veille. Si, pour un député RN, l’assassinat prémédité de trois officiers français déclarés « Mort pour la France » n’est pas un crime, prenons garde : la nuit arrive. Si le massacre des Six venait à ne plus être considéré comme ce qu’il est, à savoir un crime inexpiable commis contre Six Innocents, cette plaque n’aurait plus sa raison d’être et pourrait même être enlevée. La France serait alors plongée dans les ténèbres.

Alors le livre, seul, resterait mémoire sur ce que fut réellement le massacre par un commando de l’OAS le 15 mars 1962 à 10 heures 30 au Château royal à Alger. Les références de L’Assassinat de Château royal sont inscrites dans le rapport rédigé par Benjamin Stora et remis au chef de l’État. Merci aux éditions Tirésias et à son directeur de l’avoir édité. Merci Michel Reynaud.

Face à ce négationnisme assumé, les hommages rendus aux Six par le président de la République prennent, comme je l’ai dit, une importance particulièrement forte. Nous savons, Benjamin Stora, votre rôle dans la démarche d’Emmanuel Macron et l’association vous en est très reconnaissante. Notre ambassadeur à Alger a rendu hommage aux six victimes le 15 mars 2022. Nous étions présents Serge Drouot, Benjamin Stora et moi-même à l’Élysée le 19 mars 2022 pour entendre le chef de l’État rendre hommage à Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Max Marchand, Salah Ould Aoudia. « Tous les six » a-t-il insisté. Leur mémoire et leur honneur bénéficient désormais d’une double protection : l’existence de ce lieu et les interventions de la présidence de la République en Algérie et en France. À Nietzsche et à Freud, préférons Victor Hugo :

Les souvenirs sont nos forces. Ne laissons jamais s’effacer les anniversaires mémorables ; quand la nuit essaie de revenir, il faut rallumer les grandes dates comme on allume des flambeaux.

Le chef de l’État a déclaré le 24 janvier 2020 : « Les sujets mémoriels disent quelque chose de ce que vous voulez faire de votre pays. » Or, le Président veut faire de la France un pays aux mémoires apaisées, il l’a démontré à plusieurs reprises et pour la dernière fois les 15 et 19 mars 2022. Cet acte présidentiel fort pourrait être un jalon posé sur le chemin qui conduirait aux hommages à la mémoire de toutes les autres victimes de l’OAS : civiles et militaires, élus, magistrats, fonctionnaires. Certaines d’entre elles, déclarées « Mort pour la France », furent le dernier rempart face à ceux qui ont voulu renverser la République par le sang répandu.

L’apaisement de toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie resterait la marque, la trace ineffaçable qu’aucun autre chef d’État n’a jusque-là imprimées dans l’Histoire de ce conflit. Nous avons confiance dans la présidence de la République pour y parvenir.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie.


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L’association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons publie une revue annuelle, Le Lien, qui figure au répertoire international des périodiques (ISSN 2740-4633, ISSN 2740-4625). Celle-ci est diffusée aux adhérents et sympathisants en France, en Algérie et Outre-mer. Tous n’ont pas connu Max Marchand et ses compagnons, mais ils croient à la tolérance, à l’humanisme, à la fraternité, à la solidarité et à la paix. Si vous, qui venez de lire ce texte, croyez à ces valeurs, nous serions heureux de vous accueillir pour travailler ensemble, au sein de l’association.