
MAX MARCHAND, DE MOULOUD FERAOUN
ET DE LEURS COMPAGNONS
La République doit rendre hommage à toutes les victimes de l’OAS, en Algérie et en France
Tribune demandant que le Président de la République rende hommage aux trois mille victimes de l'OAS, parue dans Le Monde Débats du 16 février 2025
L’Organisation armée secrète, qui mena des actions terroristes pour maintenir l’Algérie française, a fait de très nombreuses victimes en 1961 et 1962.
C’est pourquoi l’État doit pleinement reconnaître cette page d’ombre de notre passé, estime un collectif d’intellectuels dans une tribune au « Monde »
Le 24 janvier 2020, Emmanuel Macron avait déclaré que : « Les sujets mémoriels sont au cœur de la vie des nations. La guerre d’Algérie, c’est ce qui fait la Ve République […]. C’est donc quelque chose qui pèse dans la vie institutionnelle, politique, militaire française ». Avant lui, aucun autre chef d’État n’avait accordé autant d’importance aux « mémoires blessées de la guerre d’Algérie » : dix-neuf actes mémoriels dont sept déclarations formelles.
Ces nombreuses interventions accentuent le silence du Président de la République sur les quelque trois mille victimes de l’OAS survenues en 1961-1962, en Algérie (2 551) et en France (71). Ce silence interroge car, parmi les personnes tombées sous les coups de l’Organisation terroriste, figurent 77 militaires et gendarmes dont 15 officiers, comme le général de corps d’armée Philippe Ginestet, ainsi que 20 policiers, dont six commissaires, mais aussi des civils, des élus, des magistrats, des fonctionnaires.
Certaines ont même été reconnues « Mort pour la France », et les archives nationales, rendues accessibles depuis l’arrêté du 22 décembre 2021 voulu par Emmanuel Macron, démontrent que les tueurs de l’OAS étaient loin d’appartenir à une « armée de patriotes », mais s’apparentaient clairement à un « gang de malfaiteurs payés ». Le Chef de l’État doit rendre hommage à toutes les victimes de l’OAS, reconnaître cette page de notre passé « qui pèse dans la vie institutionnelle, politique et militaire française » comme il l’a écrit. Toute nation qui oublie son passé est condamnée à le répéter.
« Courage et lucidité »
Le 15 juin 2020, dans sa lettre au président de la Mission de préfiguration du Musée mémorial du terrorisme, le Président de la République reconnaît « la force mortifère de l’oubli », et que « les victimes attachent un prix immense à ce que l’oubli n’efface pas le souvenir des tragédies qu’elles ont vécues […] ». L’assassinat le 15 mars 1962 à Alger de six enseignants des Centres sociaux éducatifs est emblématique de ce terrorisme.
Le 2 mars 2021, à l’occasion de son hommage à maître Ali Boumendjel, Emmanuel Macron a déclaré : « Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté. Ils doivent être regardés avec courage et lucidité, dans l’absolu respect de toutes celles et ceux dont ils ont déchiré la vie et brisé le destin ».
Comme il a su le faire envers les autres « mémoires blessées de la guerre d’Algérie », le Président de la République doit rendre hommage à toutes les victimes de l’OAS, civiles et militaires, en Algérie et en France, dont de nombreux Algériens et des Français, défenseurs des institutions et des valeurs de la République à une période où elle fut menacée. La Nation se trouverait alors réunie autour de toutes les victimes de la guerre d’Algérie.
Signataires :
Michelle Audin, mathématicienne et écrivaine ; Jean-Michel Dumont, président du Comité Vérité-Justice pour Charonne ; Aïssa Kadri, sociologue ; Gilles Manceron, historien ; Georges Morin, enseignant et président de Coup de soleil ; Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association Marchand-Feraoun ; Alain Ruscio, historien ; Benjamin Stora, historien ; Michel Wieviorka, sociologue.