MAX MARCHAND, DE MOULOUD FERAOUN
ET DE LEURS COMPAGNONS
La Garde nationale « introuvable »
La formation de l’ordre urbain en situation coloniale (Algérie, 1830-1852) [1]
L’expédition d’Alger puis la lente et meurtrière annexion de « possessions françaises dans le Nord de l’Afrique », ont donné lieu à de nombreuses analyses sur le rôle des militaires dans un processus de colonisation rurale incertain [2]. Cette insistance sur les campagnes – au sens militaire mais aussi géographique du terme –, ainsi que sur les difficultés à imposer un nouvel ordre dans des territoires aussi vastes que méconnus, minore le fait que la présence française, en particulier civile, fut d’abord concentrée dans les quelques villes d’une bande côtière conquise à partir de la base algéroise (Oran, 1831 ; Bône, 1832 ; Constantine, 1837 ; Philippeville, 1838...).
L’ordre colonial à construire et à imposer fut donc d’emblée un ordre urbain, incarné notamment dans des dispositifs de police qui ont jusqu’alors très peu retenu l’attention des historiens [3].
Ainsi, dès le 13 juillet 1830, un des tout premiers arrêtés signés par le général de Bourmont, commandant en chef de l’armée expéditionnaire d’Afrique, portait sur « la nécessité urgente d’établir un système de police pour assurer la tranquillité publique dans les villes et territoires d’Alger [4]. » Dans une ville de garnison, ce « système de police » laissait une place importante à la gendarmerie, associée dès l’origine à l’expédition d’Alger au travers de ses prérogatives de prévôté militaire, mais aussi engagée dans des fonctions de sécurisation et de surveillance urbaines. De Bourmont emporté par la tourmente des Trois Glorieuses, son successeur, le général Clauzel, compléta le format du maintien de l’ordre urbain par un arrêté du 30 décembre 1830 portant création de la Garde nationale d’Alger [5].
La Garde nationale d’Algérie a pourtant échappé à l’attention des chercheurs spécialistes de l’histoire de ces citoyens en armes [6]. Elle est ainsi « introuvable », comme l’a longtemps été son homologue de métropole frappée d’un véritable « déni historiographique [7] », à l’instar de l’ensemble des forces de l’ordre non professionnalisées [8]. Mais elle est aussi « introuvable » selon la signification qu’a donnée à ce terme Pierre Rosanvallon [9] : les multiples projets de réforme témoignent de l’intérêt porté à cette institution, mais les pratiques des gardes nationaux et les contours de la Garde nationale en Algérie se révèlent toujours insatisfaisants pour les gouvernants.
Certes, cela était aussi le cas en France où, après la présence remarquée de gardes sur les barricades des Trois Glorieuses, la loi de 1831 avait été envisagée comme un instrument « rassurant pour un régime confronté à la difficile représentation du peuple [10] ». Mais la situation coloniale ajoutait encore à cette labilité de la morphologie sociale et de ses interprétations : pour les contemporains, le vocabulaire se dérobait et les catégories se troublaient quand il s’agissait d’évaluer jusqu’à quel point une institution métropolitaine pouvait faire l’objet d’un transfert ou d’une retraduction en Algérie. Si l’exemple de la Garde nationale parisienne constituait bien la matrice de l’arrêté de juillet 1830, les mots du rédacteur oscillèrent entre l’organisation d’une « garde urbaine » et d’une « Garde nationale » tant il apparaissait alors prématuré de subsumer l’existence d’une nation française dans des territoires nouvellement conquis et sans grande présence française autre que militaire.
La « Garde nationale », devenue « Milice africaine » (1836) puis « Milice algérienne » (1852 [11]) est « introuvable » car dans les mots et dans les projets de ceux qui la pensèrent et la réformèrent, mais aussi dans les attentes et dans les pratiques de ceux qui la firent vivre – ou dépérir – se dessinaient les contours divers, voire contradictoires, des populations dignes d’en faire partie ou d’être requises pour en assurer les servitudes. C’est au travers de cette double réalité que sera appréhendée la demande de police, ou, plus exactement, de milice. Il s’agira de montrer comment les citadins [12], ou du moins certains d’entre eux, participèrent non seulement aux pratiques de police, mais aussi à la définition des contours du groupe habilité à exercer ces prérogatives.
Sur le plan documentaire, la Garde nationale d’Alger et ses avatars successifs se donnent avant tout à voir dans les nombreuses traces laissées par les demandes, gubernatoriales ou ministérielles, d’information ainsi que dans de multiples projets d’amélioration de « cadres incomplets nécessitant une réorganisation prompte et énergique [13] ». Pour la période considérée (1830-1852), le volume des archives disponibles suggère l’importance de cette institution et donne à voir des bifurcations (les décrets de 1836 et 1852, les arrêtés de mars, mai et juin 1848… ) largement liées au contexte métropolitain. Mais le périmètre, le fonctionnement et les objectifs de cette « force publique » s’ancrent aussi dans les spécificités de la situation algérienne [14]. L’investissement institutionnel dans l’affermissement des cadres de la Garde nationale apparaît conséquent (cependant plus en matière réglementaire que budgétaire [15]) et les réactions qu’elle suscita de la part de différents publics (des intéressés, des publicistes, des élus, etc.) montrent qu’elle a eu une consistance et une activité réelle.
La Garde nationale d’Alger puis la Milice africaine sont ainsi nées d’une « insécurité [16] » aux multiples dimensions : la répression des crimes et délits n’entrait que de manière secondaire dans leurs fonctions – et avant tout dans une perspective préventive. Mais l’existence de ces « citoyens [17] » en arme devait permettre de rendre lisibles des hiérarchies sociales brouillées par la conquête coloniale. À Alger, corporations et milices ottomanes cessèrent de fonctionner dès juillet 1830 [18]. En matière de maintien de l’ordre, les autorités françaises pratiquèrent une politique de la tabula rasa sur laquelle elles revinrent graduellement dans les années suivantes. Ce sont les enjeux et les dissensions autour de cet objectif de re-création de forces et de corps intermédiaires qui furent un des moteurs des réformes successives de la Garde nationale. Les voies multiples de l’évitement de devoirs qui apparaissaient comme des corvées que chacun s’ingéniait à contourner et à déléguer, fragilisaient en effet cette institution, cependant centrale pour la quête des honneurs et les luttes de statut internes au monde des « Européens [19] ».
Des villes troublées
Bien que certaines villes aient été prises puis perdues avant d’être reprises par l’armée française, les principales cités du nord de l’Algérie ne furent pas le lieu privilégié de la résistance à la conquête. La fuite d’une grande partie des « Algériens musulmans [20] » et l’importance des casernements militaires mirent les autorités coloniales à l’abri de tout risque véritable d’insurrection urbaine. Sur le plan de la prévention des crimes et délits, des craintes d’une dégradation de la situation sécuritaire, liées à la transition entre systèmes de police, furent certes exprimées. Mais elles l’étaient surtout au sujet des villages de colonisation isolés et des zones rurales. Ce sont d’ailleurs les incursions des « tribus » (en particulier celles des « cavaliers hadjoutes ») pour des razzias ponctuelles, ou la présence éphémère – par exemple certains jours de marché – de ruraux paupérisés se livrant à des rapines qui alimentaient les principales inquiétudes en matière de sécurité urbaine.
La population dite « indigène » apparaissait d’ailleurs très secondaire – voire absente – dans l’ordre des priorités exprimées par des autorités urbaines locales focalisées sur la « population flottante » d’origine européenne. Le contrôle des nouveaux arrivants considérés comme « indésirables » apparaissait en effet comme la première urgence en matière de gestion des populations [21]. La description de la « population européenne d’Afrique » proposée en 1851 par un commissaire d’Alger est emblématique d’un discours qui courut tout au long de la période : « La population européenne d’Afrique est loin d’être composée de ces habitants paisibles, honnêtes, aux mœurs douces, adonnés aux travaux industriels de nos villes et communes de la Mère-Patrie. Elle est au contraire une agglomération d’hommes actifs, énergiques, remuants, ardents, désireux de faire une prompte et grande fortune soit pour réparer des pertes et des échecs éprouvés dans leur pays, soit pour satisfaire des goûts et des besoins que ne comporte pas leur situation. Elle est malheureusement augmentée d’une quantité considérable de gens tarés, sans aveu, venus de tous les pays, de criminels échappés des prisons d’Espagne ou de Malte [22] ».
Les ouvriers de métropole étaient rarement décrits de manière aussi irénique par des commissaires de police qui, en traversant la Méditerranée, avaient modifié leurs schèmes de perception des « classes dangereuses ». La récurrence des déplorations et des inquiétudes face à « l’absence d’homogénéité [23] » de la population traduisait ce désarroi et les grandes difficultés qu’éprouvaient les responsables de l’ordre urbain à saisir les habitants en des catégories qui soient opératoires pour le travail policier. Ce sont avant tout les étrangers (les Espagnols d’Oran, les Italiens de Bône, les « Anglo-Maltais » d’Alger, etc.), majoritaires dans beaucoup de villes, qui étaient visés. La présence « d’indigènes, musulmans et juifs », parfois eux-mêmes divisés en catégories plus fines mais variables, était aussi pointée.
Si les villes étaient « troublées », c’est donc moins par l’importance des crimes et des délits commis ou craints [24], que par le pluralisme social, racial, national ou religieux : l’amalgame social des nouveaux arrivants – dont le nombre croissant était aussi brandi comme attestant de la réussite de l’entreprise coloniale – ne pouvait pas être spontané, ni immédiat. Cette latence laissait les forces de l’ordre largement démunies en matière de modalités de description et de moyens d’action. Le format des forces armées ne favorisait guère le maintien de l’ordre public local : l’armée était en première ligne et principalement engagée dans la protection contre les « menaces extérieures » (les « attaques des tribus ») ; la gendarmerie avait fort à faire avec l’indiscipline des troupes en garnison ; les commissaires de police ne pouvaient compter que sur quelques agents en civil avant tout investis dans des tâches administratives et de surveillance.
La création de milices s’imposa donc d’emblée comme la seule solution institutionnelle immédiatement disponible pour faire face aux enjeux de police urbaine [25]. Au-delà de l’adaptation d’un modèle préexistant en métropole, elle obéissait à une triple logique : celle d’économie budgétaire, alors que les détracteurs de la colonisation se recrutaient avant tout dans les rangs des contempteurs de la hausse des dépenses de l’État [26] ; celle de la formation d’un groupe social qui soit à la fois transparent (par une délimitation et un recensement qui en assurent la dignité sociale) et redevable devant les autorités civiles et militaires ; celle d’une civilianisation progressive du maintien de l’ordre dans un contexte où nombre d’habitants des villes étaient rétifs à l’autorité militaire. Cette dernière, aux prérogatives très étendues par rapport à celles qui étaient les siennes en métropole, était en effet régulièrement assimilée à un véritable « despotisme » par les habitants des grandes villes désireux de bénéficier des mêmes libertés municipales qu’en métropole [27].
Re-fonder la milice
La formation de la Garde nationale illustre les relations de pouvoir, réciproques et asymétriques, entre gouvernants et gouvernés. Au début de la période, à Alger ou à Oran, les circonstances et la chronologie des arrêtés de création montrent que l’initiative est alors provenue des autorités militaires qui avaient fort à faire pour contenir les « menaces extérieures ». Elles avaient donc besoin de soutiens à l’intérieur des cités. Mais, dans les années suivantes, dans des villes nouvellement conquises ou créées, ainsi que dans des cités où l’organisation de la milice s’était considérablement relâchée, les processus de re-fondation furent largement impulsés par des initiatives dites « spontanées ». Une partie des habitants prenaient les armes, ou demandaient à ce que l’armée leur en fournisse, afin de tenir des postes que les militaires devaient délaisser pour œuvrer à l’extension ou à la défense de la conquête.
Ainsi, c’est au moment de la première expédition de Constantine, à l’automne 1836, que « la Milice africaine [fut] instituée pour maintenir l’obéissance aux lois qui [régissaient] la colonie, pour conserver ou rétablir l’ordre, et pour seconder l’armée de ligne dans la défense du territoire et des propriétés [28] ». Même si le volontariat des habitants était régulièrement loué par les autorités, il apparaît qu’il a très souvent été stimulé par des incitations officielles. Les autorités locales pouvaient aussi procéder à des formes de sélection parmi les propositions de contribution au maintien de l’ordre. La création de la milice de Philippeville en 1840 illustre ce jeu d’impulsions croisées qui, l’enthousiasme de l’urgence de la défense s’émoussant avec le recul du danger, conduisit à une rationalisation de l’organisation et à un encadrement de plus en plus directif :
dix-huit mois après le commencement de notre établissement à Philippeville, la population civile, avant d’avoir reçu aucune organisation, sous le rapport de la milice, prenait spontanément les armes, lorsque l’occasion paraissait le demander, et se mettait avec empressement à disposition de l’autorité militaire.
À la fin de cette même année, les « principaux habitants de la ville furent convoqués » afin de donner des cadres institutionnels et des chefs à une milice dont il apparaissait qu’elle devrait être mise à contribution pour une période indéterminée [29]. Il s’agissait bien là d’un double mouvement de convocation-obligation et d’élection-reconnaissance : seule une minorité des habitants était choisie pour participer à l’institutionnalisation d’une milice à laquelle ils participaient déjà et dont ils étaient encouragés à prendre la tête par suite d’une « nomination à l’élection [30] ». Il illustre comment la formation des milices tenait à la fois d’une offre de police-demande de sécurité de la part des citoyens et d’une offre de police-exigence de contribution de la part des autorités.
Dans la liste des propositions spontanées de service d’habitants se portant volontaires pour la défense de la domination coloniale, quelques-unes détonnent. Ainsi, à Alger, au mois d’août 1835, un certain nombre de « Maures Français » (c’est ainsi qu’ils s’étaient dénommés à la surprise de l’intendant civil [31]) « témoignèrent qu’ils avaient le désir de faire la Garde nationale comme les Européens [32] ». Alors que d’autres parties de la population musulmane d’Alger s’alarmaient de se voir portées sur les contrôles de la garde, cette offre fut repoussée, bien qu’en droit rien ne s’y opposât véritablement [33]. L’intégration dans la milice n’était en effet pas affaire de volontés individuelles, mais participait de la politique de gestion différentielle des populations.
C’est ainsi que le « système de police » des principales villes algériennes s’appuyait sur d’autres milices, ou polices communautaires, que la seule Garde nationale. En 1837 et 1838, deux arrêtés redonnèrent une existence institutionnelle à des « corporations indigènes » définies sur une triple base raciale, professionnelle et géographique. Les « Kabaïles, Biskris, Mozabites, Mzitas, Lagrouaths et nègres » se virent doter « d’un ou plusieurs amines [34] » chargés de « prendre des mesures particulières de surveillance et de police » à l’égard des membres enregistrés – cette inscription ayant un caractère obligatoire afin de pouvoir résider et travailler en ville – de leur corporation [35]. Les amendes récoltées permettaient à l’amin de rémunérer un certain nombre d’agents et l’application de la responsabilité collective en cas de crime ou de délit non résolu était supposée assurer un véritable contrôle sur les communautés ainsi encadrées. Dans le même ordre d’idée, des « milices indigènes » furent aussi créées dans plusieurs villes, notamment Tlemcen : elles concernaient les seuls Algériens musulmans qui, dans ces circonstances, étaient contraints d’assurer un service de gardes et de rondes [36]. Leur situation était alors comparable à celle des troupes indigènes : composantes essentielles de la conquête et de la maîtrise du territoire, ces troupes ou milices indigènes étaient situées en marge des institutions – l’armée d’Afrique ou la milice africaine – auxquelles elles étaient raccordées, mais sans être pourvoyeuses des mêmes honneurs ni des mêmes droits.
Ces dispositions sont entrées en vigueur alors que de nombreux commentateurs considéraient avec Pellissier de Raynaud que « malgré tous ces moyens [notamment ceux affectés aux commissaires de police] et le concours de l’autorité militaire, la police française fut presque toujours au-dessous de sa mission [37]. » Avec la reconnaissance des « corporations indigènes », les autorités coloniales françaises prenaient acte de ce qu’elles étaient démunies de véritables capacités de poursuites de la criminalité indigène. Mais elles répondaient aussi à une demande de sécurité qui n’émanait pas que des « Européens » : les natifs demeurés dans les villes coloniales étaient aussi en attente de soutiens institutionnels afin que les désordres soient punis et les conflits régulés. L’arrêté du 31 janvier 1838 proposait donc de « conserver la partie utile des anciens usages, et, en maintenant à l’autorité une action efficace, de supprimer les anciens abus [38] ». Une sorte de pluralisme policier et juridictionnel fut alors mis en œuvre, sous une forme hiérarchisée dans laquelle les corporations et les tribunaux « indigènes » voyaient leur action contrôlée par les institutions répliquant le modèle métropolitain (les sanctions prononcées par les juges islamiques devaient être confirmées par le tribunal correctionnel dès lors qu’elles dépassaient dix puis trois jours de prison ; les « amines » devaient répondre aux demandes d’information des commissaires de police…). Rien ne dit mieux ces rapports de domination que la manière dont fut régulé l’accès aux armes.
Le droit aux armes
C’est la possession d’une arme, un fusil en l’occurrence, qui faisait le garde national. Ce dernier n’était pas toujours habillé, notamment parce que les dépenses d’uniforme étaient normalement à sa charge [39]. Il ne participait cependant pleinement aux activités de la Garde qu’à partir du moment où il était doté d’un fusil fourni par les arsenaux de l’armée [40]. Il apparaît d’ailleurs que les demandes spontanées de participation à la milice étaient très souvent motivées par le souhait d’obtenir une arme, notamment dans les communes rurales où les activités des gardes étaient des plus réduites en temps de paix. Ce fusil semblait d’ailleurs bien plus envisagé comme un attribut personnel que comme le symbole de l’appartenance à un corps constitué [41].
En métropole, les autorités redoutaient d’expérience que ces armes soient retournées contre l’ordre et qu’elles alimentent les journées insurrectionnelles. Outre-Méditerranée, la crainte était forte que des Algériens musulmans insurgés ne s’emparent de ces stocks de fusils [42], voire que des miliciens indélicats ne leur revendent leur arme [43]. Les considérations financières n’étaient pas négligeables : à l’importance de la dotation initiale, s’ajoutait celle des frais d’entretien et de réparation – les miliciens démontrant une incompétence et un désintérêt constant en la matière. Si l’on ajoute que les exercices étaient généralement rares et peu suivis [44], la portée des fusils était avant tout symbolique, à tel point que la question de leur vétusté se posait immanquablement dès lors qu’ils devaient véritablement servir.
Bien que les frontières et les significations tracées par la distribution d’armes ne renvoient que très partiellement à celles des « citoyens-combattants » de 1848, nous retrouvons ici certaines des conclusions de Louis Hincker : en Algérie aussi, et ce dès la conquête, « c’est la distribution des armes et des munitions qui institue le groupe légitime ». Chaque « désarmement […] avait incontestablement un caractère de relégation sociale [45] », mais aussi raciale.
Le refus d’intégrer les natifs aux milices algériennes fut d’ailleurs concomitant de tentatives de désarmement de l’ensemble de la population colonisée. Les défaites militaires avaient bien sûr été accompagnées de l’expropriation d’importants stocks d’armes et les autorisations de possession d’un fusil étaient accordées avec une extrême parcimonie. La hantise des autorités et de l’opinion publique exprimée par la presse se déplaça donc vers des armes moins sophistiquées, les seules que les colonisés arrivaient à introduire en ville. Les bâtons de marche transformés en « matraques » ou en pointes contondantes furent ainsi mis à l’index tant par une partie de la presse que par des arrêtés désignant spécifiquement les « indigènes » [46].
Les raisonnements en la matière n’obéissaient que très secondairement à une logique de sécurité publique : « ce n’est rien, ce désarmement d’un bâton et c’est énorme aux yeux des indigènes [47] », affirmait encore en 1892 le maire d’une ville de l’Oranie. Ces bâtons étaient ainsi une manière de reconquérir une forme de dignité atteinte par le désarmement imposé par le colonisateur. Mais les colonisés n’étaient pas les seuls à être stigmatisés en raison de leur incapacité à ne pas faire un usage illégitime d’armes cachées : les étrangers étaient aussi visés [48]. Ces derniers étaient cependant en droit de déambuler armés quand ils prenaient leur part au service de milices algériennes fermées aux premiers.
Une milice « africaine »
La question des délimitations (en termes de nationalité, d’identification ethno-confessionnelle, de niveau économique) de la Garde nationale d’Algérie a été cruciale tout au long de la période. Les réformes et les manières dont elles ont été mises en œuvre et interprétées au niveau local ont peu à peu donné son assise à une institution encore floue, et participé à l’élaboration des divisions sociales et politiques d’une société coloniale naissante. Les textes, régulièrement modifiés en fonction des projets coloniaux et de l’évolution de la morphologie des populations urbaines, n’ont pourtant connu que des applications très partielles.
L’arrêté pris par de Clauzel en décembre 1830 était empreint de la tension constitutive de la Garde sous la monarchie de Juillet, entre contribution alléguée aux Trois Glorieuses et défense de l’ordre social établi :
Considérant les glorieux exemples donnés par les Gardes nationales de France […] la conservation de l’ordre et de la tranquillité publique doit être confiée de préférence à ceux qui ont le plus d’intérêt à les maintenir.
Le véritable enjeu politique était bien de proposer un projet colonial aux buts explicitement affirmés : « la fusion des populations ne peut qu’être accélérée par leur fusion dans un même corps et leur emploi à un même service » postulait de Clauzel. L’article 2 de l’arrêté du 30 décembre 1830 affirmait ainsi que « seront appelés à faire partie de la Garde nationale tous les Français et les indigènes âgés de 20 à 60 ans, domiciliés à Alger et y possédant des propriétés ou des établissements commerciaux ». Alors que les droits de propriété étaient sapés par l’occupation militaire de nombreux bâtiments, par des expropriations massives et par l’absence d’accord sur les moyens d’attestation [49], cette dernière clause apparaissait difficile à mettre en œuvre.
D’autres critères permettaient cependant de hiérarchiser la population digne, au-delà d’une nécessaire assise sociale, de faire partie de la garde : la nationalité française d’abord, sésame indispensable pour accéder au grade de « commandant de compagnie ». Mais ce critère de nationalité apparut d’emblée racialisé par la double référence faite aux « Européens non français » (pouvant demander à faire partie de la garde) et aux « indigènes », « maures » et « juifs », devant « être munis d’un certificat de la municipalité, constatant leur attachement à la France et les garanties qu’ils présentent [50] ». L’imbrication possible entre ces différents groupes identifiés par de Clauzel apparaissait encore floue, mais l’objectif poursuivi était relativement clair : la Garde devait être ce lieu où, sous la conduite des Français les plus assis socialement, pourrait émerger une élite coloniale issue de la « fusion » entre les « nations » – le terme est utilisé à plusieurs reprises – et les « races » – ce mot n’étant pas couché sur le papier [51].
Cette articulation entre position sociale, nationalité et assignation raciale a été au cœur des réformes et des configurations successives des milices urbaines. Alors que l’arrêté pris par de Clauzel n’avait pas eu de véritables suites [52], celui signé par l’intendant civil d’Alger, Pierre Genty de Bussy, le 21 septembre 1832, connut un début d’application, mais sans que la lettre de ce texte soit respectée. Il était porteur d’un tout autre projet colonial que le précédent : à la « fusion des populations » était préférée l’assimilation administrative. Il s’agissait en effet d’une déclinaison locale de la loi du 22 mars 1831 où, jusque dans le choix de l’uniforme, la Garde nationale de Paris était érigée en véritable modèle [53]. Le contexte algérien n’apparaissait que de façon secondaire : d’abord, dans la nécessaire concession symbolique et institutionnelle à la prééminence des autorités militaires et de l’armée de ligne [54] ; puis au détour d’un dernier article en forme de concession à la nécessité de tenir compte des « différences » dans la composition des villes concernées [55]. Ainsi, dès juillet 1833, afin de réaffirmer la prédominance du national, un nouveau texte précisait que les sous-officiers et officiers de la « garde civique » d’Oran devaient être de nationalité française [56]. Dans cette ville, la crainte était en effet forte que les Espagnols soient majoritaires, non seulement dans les échelons subalternes mais aussi aux postes d’officiers.
Entre 1830 et 1832, la sensibilité de la question des « indigènes » – pas même évoqués dans le texte – déclina. La fuite de la grande majorité des habitants musulmans des villes côtières puis leur cantonnement partiel hors de l’espace de la ville fortifiée [57] jouèrent un rôle majeur dans cette évolution. En raison de réalités migratoires qui ne correspondaient pas aux attentes des thuriféraires du peuplement de l’Algérie, la question des étrangers s’imposa, elle, par sa force démographique. Au milieu des années 1830, elle ne pouvait plus être ignorée des réformes réglementaires qui ont accompagné la re-fondation de la Garde nationale en Algérie.
L’arrêté du 23 octobre 1836 était destiné à « organiser avec plus de force et de manière complète » une Garde nationale présentée comme frappée par le « relâchement ». Les changements intervenus visaient notamment à faciliter les sanctions disciplinaires contre les récalcitrants et à imposer un principe d’autorité destiné à suppléer un volontariat défaillant. Surtout, le changement de dénomination, avec l’avènement d’une « Milice africaine », entérinait l’obligation de contribution des étrangers. L’article 2 suggérait même un recrutement considérablement élargi :
la Milice africaine se compose, sauf les exceptions mentionnées ci-dessous, de tous les Français, des étrangers et des indigènes (Arabes, Maures ou Juifs) qui sont venus s’établir ou qui sont restés sous les armes de la France, dans les possessions qu’elle a conquise dans le nord de l’Afrique.
Mais si Français et étrangers devaient se soumettre à une obligation de recensement, l’inscription des « indigènes » sur les registres de la milice était liée à une triple conditionnalité qui organisait de fait leur exclusion. Ces conditions étaient à la fois matérielles (ils devaient être propriétaires ou « patentés »), morale (leur demande devait être avalisée par l’intendant civil) et réglementaire (ce processus de sélection devait être organisé par un « arrêté spécial » qui n’a jamais été publié). Symboliquement, il apparaissait en effet impossible de ne pas permettre aux riches musulmans citadins de faire partie des gardes urbaines, mais il semblait tout aussi inenvisageable de les y obliger, tant pour des raisons de haute politique (il fallait ménager les soutiens à la présence française), que de la nécessaire prise en compte des réactions des miliciens européens.
Comme en métropole, de fortes attentes en termes d’entre-soi social étaient en effet exprimées et alimentaient tant la question des compagnies d’élite que celle du « remplacement [58] ». Les stratégies des miliciens rencontraient, en la matière, les principes de division politique et sociale du régime : aussi, l’article 19 de la loi du 22 mars 1831, organisant un « contrôle de réserve » – et de fait l’exclusion du prolétariat du service ordinaire de la milice –, fut-il repris dans l’arrêté du 23 octobre 1836 relatif à la milice africaine [59]. En raison de la morphologie sociale des villes algériennes et des importants besoins en hommes qui pouvaient conduire à un lourd service pour les miliciens inscrits au contrôle du service ordinaire[60], la sélection sociale semble cependant avoir été moindre qu’en métropole. Certes, à Alger ou Oran, dans les périodes de faible mobilisation, seul un Européen sur huit ou neuf participait à la garde [61].
Mais ce ratio était d’environ d’un sur trois – soit une mobilisation quasiment maximale si on exclut les dispenses légales pour raison d’âge, de santé ou d’incompatibilité des fonctions – à Bône ou Philippeville, ainsi que dans de nombreuses villes de moindre importance [62].
L’éventail des métiers pratiqués par les gardes était large : la majorité appartenait effectivement au monde de la boutique, du négoce et de l’artisanat, mais nombre de simples « chasseurs » étaient présentés comme « ouvriers », voire comme des « domestiques gagés [63] » théoriquement cantonnés à la « réserve ». La milice algérienne était couramment décrite comme d’un niveau social très différent de celui de ses homologues métropolitaines, avec une insistance particulière sur le « grand nombre d’ouvriers pauvres » et de « pauvres gens » [64]. L’affirmation de fait d’une véritable exclusion raciale pourrait ainsi avoir été une contrepartie de cette relative ouverture sociale et surtout de l’absence de fermeture nationale [65]. La Garde apparaissait déjà trop hétérogène, fragilisée par la faible cohésion de membres seulement soudés par la crainte des ennemis extérieurs, pour qu’il soit jugé opportun d’appliquer les dispositions rappelant le lointain projet de « fusion des populations » de de Clauzel.
La situation démographique des villes d’Algérie, ainsi que la rhétorique des devoirs auxquels ne devaient pas échapper des étrangers enclins à se soustraire à toute contribution à la collectivité, obligeaient les miliciens de différentes nationalités à cohabiter au sein de mêmes compagnies. L’enjeu constant fut de faire participer activement les étrangers aux servitudes de la garde tout en veillant à ce qu’ils soient laissés dans une position subalterne sur le plan du commandement et des honneurs.
En la matière, la Garde devait rester nationale en une époque où les frontières du national étaient loin d’être intimement intégrées. Les quelques rappels aux textes faisant suite à l’élection d’officiers étrangers – Espagnols en particulier – tenaient cependant plus à la suprématie des non-nationaux dans certaines compagnies qu’à un trouble véritable sur les délimitations de la francité. Cette dernière était cependant ébranlée en ce qui concernait l’appartenance des « israélites ».
Ceux-ci apparaissaient en effet comme ayant bénéficié de la domination française à laquelle ils s’étaient immédiatement ralliés. Ils n’étaient donc pas considérés comme étant dans la même situation que les « musulmans » auxquels ils étaient pourtant amalgamés, dans certains textes, au travers de la catégorie « d’indigènes ». Dans l’Oranais, les citadins de confession israélite furent fortement sollicités pour soutenir l’effort de guerre contre l’émir Abd El Kader – par des livraisons de produits et des prélèvements fiscaux –, mais ils ne semblent pas avoir été intégrés aux premières milices urbaines [66]. En temps de paix se posait cependant la question de leur contribution : certes, un impôt spécifique était parfois levé afin de compenser l’absence de garde, mais cette alternative n’était pas accessible aux Européens. Une note « au sujet du projet d’incorporer les juifs dans la milice d’Oran », adressée au directeur de l’Intérieur à Alger, par son représentant à Oran, le 24 octobre 1841, illustre cet embarras face à la « nation juive » [67].
Dans tous les cas, ils risquaient d’apparaître comme des « privilégiés » : soit ils n’étaient pas incorporés et ils ne contribuaient pas à un service dont ils bénéficiaient ; soit ils étaient jugés dignes de participer à la milice, ce qui risquait de les faire apparaître comme des bénéficiaires de la conquête de 1830, en particulier auprès des Algériens musulmans toujours invoqués quand il s’agissait de justifier les mesures vexatoires prises à l’encontre des juifs.
Il semble que la solution alors trouvée fut de distinguer entre les « juifs assimilés » et les autres : au début des années 1850, seuls ceux habillés en costume traditionnel continuaient d’être exemptés du service de la milice [68]. Mais, pour une partie de l’administration coloniale, cela apparaissait comme une bien piètre incitation à l’assimilation.
Certains de ses plus hauts fonctionnaires s’émerveillaient en effet de « l’œuvre régénératrice que la race israélite avait entreprise en Afrique [69] » grâce à l’influence française. Les débats sur la place à donner ou non aux juifs dans la milice se poursuivirent tout au long de la période. Aux arguments de l’assimilation, à ceux de l’intérêt des premiers concernés mais aussi de l’ensemble des miliciens qui auraient pu trouver là des effectifs importants d’habitants intéressés au premier chef par la défense de la propriété et de l’ordre [70], s’opposaient d’autres logiques.
Au-delà d’une hiérarchie militaire attentive à ce que les juifs n’obtiennent pas de droits dont étaient privés les Algériens musulmans, les miliciens de base rechignaient à partager leurs postes de gardes avec des membres d’une « nation juive » qui ne leur apparaissaient guère participer de la même « communauté imaginée [71] » que la leur [72].
Au-delà de la recherche d’un entre-soi social, la volonté de maintenir des frontières nationales (avec les étrangers) et racialo-religieuses (avec les juifs) explique aussi que l’administration ait parfois dû freiner les velléités de création de compagnies de cavalerie, bien qu’elle en louât globalement la « haute tenue ». Les milices algériennes, avec leurs grades (qui pouvaient faire office de marche pied vers le Graal de la Légion d’honneur) et leurs hiérarchies entre compagnies, permettaient surtout de distinguer l’honorabilité de certains colons français. Nombre d’entre eux souffraient de ne pas être reconnus à leur juste mesure en raison des pouvoirs des militaires et du poids démographique d’étrangers dont ils devaient se démarquer. Cela explique aussi que, hormis pendant les périodes de combat, les miliciens sans grades aient rechigné à investir leur rôle et même parfois réussi à sous-traiter leurs obligations à des « indigènes musulmans » [73]. Pour ces derniers, les gardes effectuées s’assimilaient alors à de véritables corvées, privées de tout le potentiel de reconnaissance politique qu’aurait permis une insertion véritable, suggérée par de Clauzel en 1830, dans les cadres de la Garde nationale d’Algérie [74].
La contribution de la Milice africaine au creuset politique algérien reste à approfondir. Elle a indéniablement participé à la formation d’une communauté politique coloniale avant tout définie par la séparation et la mise à distance des Algériens musulmans. En cela, l’ensemble des textes sur l’organisation des milices algériennes mérite d’être rapproché d’autres mises en formes législatives, à la grandeur juridique et à l’importance historique beaucoup mieux établies – par exemple le décret Crémieux de septembre 1870 ou la loi sur la nationalité de juin 1889 [75]. D’une certaine façon, le droit et les pratiques des gardes urbaines d’Algérie peuvent ainsi être considérés comme les prolégomènes du mouvement d’intégration, aussi heurté que conflictuel, des natifs de confession israélite et des étrangers européens au peuple français d’Algérie.
Au cours des premières décennies de la domination française, sous ses différentes formes et dénominations successives, la Garde nationale a été un des instruments d’ingénierie politique et sociale ayant contribué à la formation d’une « population européenne » dans les principales villes de l’Algérie colonisée. Elle a d’ailleurs une postérité qui dépasse ces années 1830-1889, au cours desquelles s’est durcie la césure entre « Européens » et « Musulmans », par-delà d’autres clivages sociaux, nationaux ou confessionnels. Au contraire de la métropole, elle connut en effet des héritages directs sous les IIIe et IVe Républiques. Ainsi, sur le plan de la demande de sécurité, la forme « milice » doit être prise en compte comme un des dispositifs de défense des « Européens d’Algérie » qui parcourt toute la période coloniale. À de nombreuses reprises, soit que le maintien de l’ordre ne donnât pas satisfaction à ces derniers, soit que l’engagement de l’armée sur d’autres fronts ou à d’autres fins ne découvre la défense de leurs intérêts politiques et matériels, la création de milices leur est apparue comme un recours « spontané ».
Après la dissolution des milices algériennes en 1873, ce fut notamment le cas au début de la Première guerre mondiale quand l’armée laissa de vastes pans de l’Algérie dégarnis de troupes [76] ; au milieu des années 1930, quand les nouvelles formes de politisation et d’affirmation des Algériens attisèrent des craintes sécuritaires liées à la perte d’une partie de l’encadrement indigène [77] ; au printemps 1945, quand des milices d’habitants furent en pointe dans le « politicide » des manifestants algériens du 8 mai et de leurs soutiens putatifs [78]; de 1955 à 1960, où des Unités territoriales (UT), formées de réservistes « pieds noirs » mobilisés quelques journées par mois, patrouillèrent et tinrent de nombreux points fixes afin de protéger les quartiers et les intérêts économiques européens [79].
Après la dissolution des UT passées du côté des insurgés au cours de la « semaine des barricades » (janvier 1960), des centaines d’activistes, bientôt regroupés au sein de l’OAS, se projetèrent à nouveau dans le mythe du colon en arme, voire dans celui d’une « Garde nationale pied-noire [80] ». L’expression rend avant tout compte d’une légitimation historique de formes d’activisme armé largement réprouvées en métropole. Elle permet aussi de synthétiser la trajectoire d’une institution qui ne concrétisa jamais l’option d’une fusion bourgeoise par-delà les différences ethno-religieuses et qui contribua à façonner le primat de la dimension raciale dans la situation coloniale algérienne [81].
Emmanuel Blanchard
Communication lors du colloque « Justices et Algérie »
18 mars 2016
Texte publié en 2016 dans Le Lien numéro 67
Notes :
- Cet article a bénéficié du soutien financier et des échanges scientifiques du programme SYSPOE (Systèmes policiers européens, 18e – 19e siècles) sélectionné par le programme blanc de l'ANR en 2012 (ANR- 12-BSH3-0004). ↩
- Jacques Frémeaux, Les bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête, Paris, Denoël, 1993 ; Anthony Clayton, Histoire de l’armée française en Afrique, 1830-1962, Paris, Albin Michel, 1994 [1988]. ↩
- Jean-Pierre Peyroulou, « Rétablir et maintenir l’ordre colonial : la police française et les Algériens en Algérie française de 1945 à 1962 », in : B. Stora, M. Harbi (dir.) La guerre d’Algérie. 1954-2004, la fin de l’amnésie, Paris, Robert Laffont, 2004, p. 97-130 ; Damien Lorcy, Sous le régime du sabre. La gendarmerie en Algérie, 1830-1870, Rennes, PUR, 2011. ↩
- Collection des actes de gouvernement depuis l’occupation d’Alger jusqu’au 1er octobre 1834, Alger, Impr. du Gouvernement, 1834. ↩
- Les deux seules études disponibles sur le sujet sont un opuscule (Albert Maitrot de la Motte, La Milice Africaine, Albi, 1929) et un article (Gaston Palisser, « Les milices africaines aïeules de nos unités territoriales », L’Algérianiste, 2003, no 102-103, p. 24-34, 4-12) dus à des défenseurs de la cause et de la mémoire des Français d’Algérie. ↩
- Pour la période 1830-1852 : Mathilde Larrère-López, La Garde nationale de Paris sous la Monarchie de Juillet. Le pouvoir au bout du fusil ?, thèse d’histoire, université Paris 1, 2000 ; Louis Hincker, Citoyens-combattants à Paris : 1848-1851, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2008 ; Samuel Hayat, Quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation en 1848, Paris, Seuil, 2014. ↩
- Roger Dupuy, Serge Bianchi (dir.), La Garde nationale entre nation et peuple en armes. Mythes et réalités, 1789-1871, Paris, PUR, 2006, p. 16. ↩
- La césure est ici forte avec une époque moderne pour laquelle les études des milices urbaines sont particulièrement dynamiques : Marco Cicchini, « Milices bourgeoises et garde soldée à Genève au XVIIIe siècle. Le républicanisme classique à l’épreuve du maintien de l’ordre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2014, no 61-2, p. 120‑149 ; Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle dans les villes de la frontière franco-belge, L’Harmattan, 2002 ; Brigitte Marin, « La réforme de police en Espagne (1768-1769) : nouveaux agents et nouvelles territorialités. L'institution des “alcaldes de barrio” », in : F. Borda d'Agua (dir.), Police et ordre public. Vers une ville des Lumières, Condeixa-a-Nova, la ligne d'ombre, 2011, p. 13-34 ↩
- Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable : histoire de la représentation démocratique en France, Paris, Gallimard, 1998. ↩
- Mathilde Larrère, op. cit., p. 349. ↩
- La Milice algérienne n’a été dissoute qu’en 1873. Elle occupe cependant une place moindre dans le « système de police » et la défense militaire que la Milice africaine (1836-1852). Cette étude se concentre donc sur la période 1830-1852, sans pour autant s’y cantonner. ↩
- Au sens courant des habitants des villes mais aussi en lien avec la définition politique qu’on trouve notamment in : Max Weber, La Ville, Paris, La Découverte, 2014 [1921]. ↩
- Tableau de la situation des établissements français dans l’Algérie (1841), Paris, Min. de la Guerre, 1842, p. 83. Par la suite abrégé en TEFA. ↩
- Outre les deux séries consultées aux ANOM (92Q et F80), la documentation a notamment été complétée par des sondages dans les archives de la wilaya d’Oran (AWO), dans celles du service historique de la défense (SHD) et dans la presse locale (en particulier L’Écho d’Oran et Le Courrier d’Oran). ↩
- À Alger, en 1838, le budget de la milice (25 000 francs annuels) atteignait le quart de celui de la police (qui, selon les années, se situait au deuxième ou troisième rang budgétaire, derrière le BTP et au même niveau que les secours aux indigents). TEFA (1838), p. 202-3. ↩
- Le terme n’est pas utilisé par les contemporains, au contraire de celui de « sécurité », très présent. Voir par exemple les références à la « garantie de sécurité publique », notamment au moment des discussions préparatoires au décret de 1852. ANOM 92 Q1 et F80 1427. ↩
- Le terme est utilisé tout au long de la période, mais avec une relative parcimonie, à l’exception, bien sûr, des années 1848-1849. ↩
- Tal Shuval, La ville d’Alger vers la fin du XVIIIe siècle. Population et cadre urbain, Paris, CNRS éditions, 1999 ; Miriam Hoexter, « La Shurta, ou la répression des crimes à Alger à l’époque turque », Studia Islamica, 1982, LVII, p. 117-146 ; Moulay Belhamissi, « La police d’Alger au début de l’ère coloniale », El Watan, 23 août 2005. ↩
- Des usages administratifs de cette catégorisation apparaissent dès les débuts de la présence française en Algérie, même si, en ces années, elle ne semble pas avoir été reprise par les principaux concernés. Ils savaient, notamment par l’usage des catégories nationales, se distinguer des « indigènes », « juifs » et « musulmans », rarement amalgamés, et dont les identités étaient toujours rabattues sur des critères ethno-religieux. ↩
- La reprise de cette expression, telle qu’elle a été définie par Charles-Robert Ageron, permet de nommer la population majoritaire dans la régence d’Alger avant la conquête – et devenue juridiquement algérienne après l’indépendance –, par delà ses différences, et sans reprendre les catégories coloniales. Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France (1871-1919), Paris, PUF, 1968. ↩
- Jennifer Sessions, « Le paradoxe des émigrants indésirables pendant la monarchie de Juillet, ou les origines de l´émigration assistée vers l´Algérie », Revue d’histoire du XIXe siècle, 2011, no 41, p. 63-80. ↩
- Note du commissaire général d’Alger au sujet de la réforme de la police d’Alger, mai 1851, ANOM F80 576. ↩
- Cette question de la nécessité d’évaluer le caractère plus ou moins « homogène » de la population locale avant d’envisager de créer ou réformer une milice revient tout au long de la période. Voir par exemple la lettre du ministre de la Marine et des Colonies au Gouverneur général, 2 juillet 1852, ANOM F80 1427. ↩
- Des données statistiques sont disponibles dans les TEFA successifs. En moyenne, une centaine d’affaires criminelles étaient jugées annuellement au tournant des années 1840. ↩
- Du Directoire à la monarchie de Juillet, les gardes de métropole, quand elles subsistèrent, furent largement cantonnées à des « tâches de police urbaine auxiliaire » et à un « service de police » de maintien de l’ordre. Bernard Gainot, « Quelle place pour la Garde nationale pendant le Directoire ? » in : R. Dupuy, S. Bianchi, op. cit., p. 409 ; Annie Crépin, « La Garde nationale, les gauches et l’idéal de la nation armée sous la monarchie de juillet », ibid., p. 462 ↩
- Le général de la Moricière lui-même insistait sur la nécessité d’étendre l’action des milices afin de pérenniser et développer une colonisation « à peu de frais ». De la Moricière, Réflexions sur l’état actuel d’Alger, Paris, Impr. le Normant, 1836, p. 47. ↩
- Une lettre d’un milicien d’Oran frappé d’une sanction disciplinaire, adressée au commandant de la place d’Oran et à plusieurs quotidiens de métropole, dénonce ainsi le « Despotisme du Périgourdin [Bugeaud] qui gouverne l’Algérie » (29 juillet 1844, ANOM F80 1437). À la même époque, Alexis de Tocqueville écrivait que la prééminence de l’armée avait « détruit jusqu’au principe de la vie municipale » in Travail sur l’Algérie (1841) notamment publié in De la colonie en Algérie, Bruxelles, Complexe, 1988, p. 121. ↩
- Arrêté de M. le Gouverneur général portant organisation de la Milice africaine, 23 octobre 1836, art. 1. ↩
- TEFA (1841), p. 46. Nous soulignons. ↩
- Les officiers d’état-major et les capitaines de compagnie étaient nommés par le Gouverneur général, à partir d’une liste de candidats élus par les miliciens, dans le cas des capitaines. Les sous-officiers étaient élus directement mais les autorités suivaient, voire « préparaient » les élections. ↩
- Les termes sont soulignés dans la lettre et suivis de la précision : « Ce sont les expressions dont il [l’adjoint maure, membre du conseil municipal] se servit ». Lettre de l’intendant civil d’Alger au ministre de la Guerre, 9 septembre 1835, ANOM F80 1432. Dans les catégories coloniales de l’époque, les « Maures » désignaient les habitants autochtones de confession musulmane, résidents permanents des centres urbains où ils occupaient des fonctions commerciales et administratives. Les « Arabes » étaient présentés comme des quasi-nomades et renvoyés à l’absence d’urbanité, dans le double sens de ce terme. ↩
- Idem. ↩
- La question de la « nationalité » des habitants relevant du droit islamique n’était pas encore tranchée mais il n’y avait que la française dont ils pouvaient éventuellement se revendiquer. Surtout, en juillet 1835, un arrêté de Clauzel avait préconisé l’enregistrement sur les rôles de la Garde nationale de « tous les habitants mâles d’Alger, âgés de 18 à 50 ans ». ↩
- Le terme arabe amin (umâna au pluriel) désignait à l’époque ottomane un chef de corporation. ↩
- Arrêté numéro 224 qui règle « l’organisation des différentes corporations qui résident sur le territoire dont la France s’est réservée l’administration », 31 janvier 1838. ↩
- La « milice indigène » de Tlemcen fut créée par un arrêté du 14 février 1842 ne précisant pas explicitement que seuls les Algériens musulmans étaient visés. Mais cela transparaissait d’évidence, car elle fut fondée sur le modèle d’une troupe soldée avant d’être pérennisée comme une garde urbaine dont le service était obligatoire. « Nous exigeons des musulmans un service de milice fort pénible » écrivait encore, en juin 1859, le sous-préfet de la ville (lettre au préfet d’Oran, ANOM 92 Q1). Cet exemple essaima dans quelques villes (dont Dellys en 1851) où la présence des Algériens musulmans était relativement importante. ↩
- Edmond Pellissier de Reynaud, Annales algériennes. Nouvelle édition revue, corrigée et continuée jusqu’à la chute d’Abd-el-Kader, Paris, Impr. de Cosse et J. Dumaine, 1854, p. 88. ↩
- TEFA (1838), p. 162. ↩
- Un certain nombre d’uniformes réformés des stocks militaires furent donnés aux gardes nationaux ne pouvant supporter le coût d’achat d’un uniforme neuf. Hormis les compagnies d’élite, la Milice africaine avait généralement l’allure d’une troupe dépareillée. ↩
- Dans une logique de distinction, des officiers et des membres des compagnies d’élite arboraient leurs armes personnelles. ↩
- Cette question reste à creuser, mais il semble que les armes n’étaient pas gravées avec les éléments d’identification des différents bataillons. En revanche, les miliciens n’hésitaient pas à les transformer – par exemple en coupant le canon. Rares étaient ceux qui les remettaient spontanément à l’armurier de leur bataillon quand ils changeaient de domicile. ↩
- Conserver les armes au domicile des miliciens était donc une solution économique puisque cela évitait l’aménagement de dépôts officiels dont il fallait aussi assurer la garde. Cette seconde solution se répandit cependant dans les années 1850 afin de pallier le manque d’entretien, fréquent, et les « pertes », nombreuses, d’armes. ↩
- Des preuves que des « Français vendaient des armes aux Maures » ont été accumulées dès les débuts de l’occupation d’Alger. Voir par exemple, service historique de la Défense (SHD), 1H7, dossier 3-1, avril 1831. ↩
- Dès l’origine, les commandants successifs de la Garde nationale prirent toutes les précautions afin que les revues et exercices ne perturbent pas leurs officiers (qui participaient rarement aux rondes et gardes) : « Si tout le monde est exact [la revue d’inspection générale est prévue à 7 heures], à 8 heures on sera libre et ceux de Messieurs les Gardes Nationaux qui passent leur dimanche à la campagne ne seront pas dérangés de leurs habitudes » (e commandant de la Garde nationale d’Alger, ordre du jour du 24 mai 1833, ANOM F80 1427). ↩
- Louis Hincker, op. cit, p. 113, 325. ↩
- Arrêté du 24 août 1838 qui « interdit le port d’armes non apparentes ». ↩
- Lettre du maire de Temouchent au préfet d’Oran, 3 octobre 1892, AWO 1F9 3947. Voir aussi AWO 1F7 1391. ↩
- Un arrêté du maire d’Oran de janvier 1851 portant sur le « port d’armes dangereuses ou secrètes » fut ainsi publié et affiché en espagnol. Les originaires de la « terre classique du poignard » étaient alors au centre des faits divers relatés par la presse en langue française. Voir par exemple L’Écho d’Oran, 4 et 11 janvier 1851. ↩
- Isabelle Grangaud, « Prouver par l’écriture : propriétaires algérois, conquérants français et historiens ottomanistes », Genèses, 2009, no 74, p. 46-73 ; Didier Guignard, « Les inventeurs de la tradition “melk” et “arch” en Algérie », in : V. Guéno et D. Guignard (dir.), Les acteurs des transformations foncières autour de la Méditerranée au XIXe siècle, Paris, Karthala/ MMSH, 2013, p. 49-93. ↩
- Pour les « indigènes juifs », c’est le « chef de leur nation » qui devait fournir ce certificat. ↩
- L’euphémisation de la race dans les textes faisait partie de la rhétorique juridique coloniale mais elle était bien une catégorie d’analyse pour de nombreux savants et publicistes de l’époque. Carole Reynaud Paligot, La République raciale. Paradigme racial et idéologie républicaine, 1860-1930, Paris, PUF, 2006. Certains des colons qui intervinrent dans les débats sur les milices algériennes prônèrent des formes d’extermination raciale parfaitement explicites. Eugène Bodichon, Considérations sur l’Algérie, Paris, Comptoir central de la librairie, 1845 ; id., Études sur l’Algérie et l’Afrique, Alger, 1847. ↩
- En avril 1831, les autorités militaires regrettaient que la création d’une Garde nationale à Alger ait échoué. SHD, 1H7, dossier 3-2. Voir aussi Pellissier de Reynaud, op. cit., p. 153. ↩
- « L’uniforme sera celui qui est déterminé par l’ordonnance du 29 septembre 1831 pour la Garde nationale de Paris et de la banlieue, à l’exception de la coiffure, qui sera remplacée par une casquette de la même forme que celle adoptée en Afrique par l’armée de ligne » précise l’article 15, inapplicable en raison du manque de moyens des gardes d’Algérie. ↩
- Comme les villes d’Algérie étaient régulièrement déclarées en état de siège, leurs gardes opéraient très souvent sous le commandement des autorités militaires. Nombre des gardes nationaux étaient revêtus de l’uniforme – usagé et réformé – de l’armée d’Afrique. ↩
- « Le présent arrêté recevra son exécution à Oran et à Bône, sauf les différences que comportent la population et la localité de ces deux villes » précisait l’article 15 de l’arrêté du 21 septembre 1832. ↩
- SHD 1H21, dossier 2. La substitution de l’appellation de « Garde civique » à celle de « Garde nationale » symbolise cette difficulté à définir la portée politique et les contours « citoyens » des milices d’Algérie. ↩
- À Oran, jusqu’à la fin des années 1840, les indigènes musulmans avaient besoin d’autorisations spéciales pour se rendre ou s’installer en ville. Ils furent ensuite plus nombreux à y résider mais ils étaient installés dans un quartier périphérique spécifique, la « Medina Jdida » (la « ville nouvelle ») aussi appelée le « village nègre ». Saddek Benkada, « La création de Medina Jdida, Oran (1845) : un exemple de la politique coloniale de regroupement urbain », Insaniyat. Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, 1998, numéro 5, p. 103-111. ↩
- Le chef du 5e bataillon de la milice de Douéra écrit ainsi au colonel de la Milice africaine, en décembre 1842 : « Vous comprendrez que les hommes établis ou propriétaires (les seuls auxquels on puisse confier les fonctions de chefs de poste) préfèrent donner deux ou trois francs que de passer la nuit avec les hommes qui font métier de remplacer et qui composent chaque soir la majorité du poste » (ANOM F80 1433). ↩
- Le cadre de réserve est formé des miliciens « auxquels des infirmités ou leur position de fortune dûment reconnues par le conseil de recensement, rendraient le service ordinaire trop pénible et trop onéreux ». Dans une formule reprenant mot à mot l’art. 20 de la loi du 22 mars 1831, il était précisé que les domestiques ne pouvaient pas être portés sur les contrôles du service ordinaire. ↩
- Dans les villes moyennes et dans les périodes où l’armée était en campagne, les miliciens algériens étaient couramment appelés à faire une garde de 24 heures par semaine. ↩
- Le recensement et le dénombrement des effectifs sont au nombre des principaux enjeux et controverses relatifs à la Milice algérienne. À Oran, entre 1834 et 1852, les effectifs croissent de 350 à plus de 1 600, avec de nombreuses fluctuations et une acmé en 1849 (ANOM 92 Q6, F80 1427-1433-1434). Sur la période, la population de la ville d’Oran aurait doublé passant d’environ 12 000 à plus de 25 000 habitants, dont environ les trois-quarts d’« Européens » (Saddek Benkada, op. cit). ↩
- TEFA (1843-4), p. 71. ↩
- « La milice de Mascara se compose en partie d’ouvriers salariés et de domestiques gagés » lit-on dans la « Situation de la milice de Mascara au 1er août 1845 », ANOM F80 1434. ↩
- Note sur l’« habillement des miliciens pauvres et autres ouvriers » adressée au ministre de la Guerre, septembre 1843, ANOM F80 1431. ↩
- En métropole, l’art. 10 de la loi du 22 mars 1831 prévoyait que les étrangers propriétaires d’un bien immobilier ou commercial et « admis à la jouissance des droits civils » étaient susceptibles « d’être appelés à faire le service ». Sans que cela ne présage d’éventuels volontariats individuels isolés, il ne semble pas que cette disposition ait connu de véritable application pratique. ↩
- Le sous-intendant civil d’Oran à l’intendant civil d’Alger, 22 mai 1837, ANOM F80 1437. ↩
- ANOM 92 Q1. ↩
- « Note particulière sur les juifs au sujet de la milice », mars 1851, ANOM 92 Q1. ↩
- Courrier du préfet d’Oran au Gouverneur général, mars 1851, ANOM, Algérie, département d’Oran, 92 Q1. ↩
- « Les Juifs sont connus comme généralement pacifiques, travailleurs, industrieux et par conséquent fort intéressés à la sauvegarde de l’ordre, quoi de plus logique que de les y faire participer ? Leur intérêt, dans une circonstance donnée, répondrait de leur zèle » (courrier du préfet d’Oran au Gouverneur général, mars 1851, ANOM 92 Q1). ↩
- Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996 [1983]. ↩
- Dans un des nombreux journaux satiriques d’Algérie (Le Moqueur, 19 novembre 1865), le « milicien canardeau » écrivait ainsi : « Un avertissement, tout municipal d’ailleurs, me disait : Monsieur, vous êtes incorporé dans la 18e compagnie du 24e bataillon de la Milice, entre un juif et un maltais… Une stupeur immense envahit tout mon être ». Cité in : Maitrot de la Motte, op. cit, p. 20. ↩
- Plusieurs exemples jusque dans les années 1890, en particulier dans la région d’Oran, AWO 1F9 3947. Pour les années 1860-1880, AWO 1F32 3898. Ces substitutions concernent cependant surtout des villages de colonisation où, faute de présence de gardiens de la paix, les fonctions de police pesaient sur les habitants eux-mêmes et sur des « auxiliaires » de l’administration. ↩
- Dans certaines villes, ces servitudes furent imposées au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale. À Tlemcen, leur suppression fut au nombre des revendications qui alimentèrent les protestations et l’exil d’une partie des notables musulmans de la ville en 1910-1911. Charles-Robert Ageron, « Les migrations des musulmans algériens et l’exode de Tlemcen (1830-1911) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1967, vol. 22, no 5, p. 1047-1066. ↩
- Laure Blévis, Citoyenneté et nationalité en Algérie coloniale (1865-1947), thèse de science politique, IEP d’Aix en Provence, 2004 ; Florence Renucci, « Les juifs d’Algérie et la citoyenneté (1870-1902). Les enjeux d’un statut contesté », in : B. Piret, C. Braillon, L. Montel, P.-L. Plasman (dir.), Droit et justice en Afrique coloniale. Traditions, productions et réformes, Bruxelles, Publications de l’université de Saint-Louis, 2013, p. 97-115 ; Joshua Schreier, Arabs of the Jewish Faith: The Civilizing Mission in Colonial Algeria, Rutgers University Press, 2010 ; Patrick Weil, Qu’est-ce-qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la révolution, Paris, Grasset, 2002. ↩
- Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Saint-Denis, éd. Bouchène, 2015 [1981]. ↩
- Julien Fromage, Innovation politique et mobilisation de masse en « situation coloniale » : un « printemps algérien » des années 1930 ? L’expérience de la Fédération des élus musulmans du département de Constantine, thèse d’histoire, EHESS Paris, 2012. ↩
- Jean-Pierre Peyroulou, Guelma 1945 : une subversion européenne dans l’Algérie coloniale, Paris, La Découverte, 2009. ↩
- Marie Dumont, « Les Unités territoriales », in : J.-C. Jauffret (dir.), Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Bruxelles, éd. Complexe, 2001, p. 517-540 ; Denis Gagnou, « La genèse des Unités territoriales », in La guerre d’Algérie : au miroir des décolonisations françaises. Actes du colloque en l’honneur de Charles-Robert Ageron, Paris, SFHOM, 2000, p. 257-268. ↩
- Cet objectif et cette expression ont parfois été attribués à Jean-Jacques Susini. Il semble cependant que celui-ci n’utilisât pas ces mots à l’époque mais, des décennies après les faits, il se reconnaissait dans ce projet. Clément Steuer, Susini et l’OAS, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 99. ↩
- Georges Balandier souligne l’importance de la « race » dans les séparations et spécificités de la situation coloniale telle qu’il l’a théorisée : Georges Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, 1951, vol. XI, p. 44-79. ↩