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Les avocats « indigènes » dans l'Algérie coloniale


Du déni du droit d'exercer aux défis de l'indépendance (1881-1962)

L'émergence, dans les trois derniers quarts de siècle de l'Algérie coloniale, d'une mince phalange d'avocats d'origine musulmane a constitué un enjeu contradictoire dans le combat démocratique :
— le barreau participe de l'organisation générale des pouvoirs publics à travers un statut légal censé garantir à la fois son monopole de clientèle, l'indépendance de la profession et son exercice libéral ;
— son activité se déploie ici dans une situation coloniale où une disparité majeure entre catégories de la population en termes de citoyenneté comme de droit et de juridiction applicables entre en contradiction manifeste avec les principes universalistes d'un État de droit ;
— l'accès de diplômés à un métier au départ exclusivement européen est l'une des voies empruntées par la lente formation d'une élite professionnelle, et potentiellement politique, issue de la population colonisée.

Si l'historiographie récente a bien mis en lumière la mobilisation de nombre d'avocats algériens autour de la défense des militants nationalistes [1], la sociohistoire sur une plus longue période d'une profession aussi politique restait à écrire [2]. Elle trouve à s'inscrire dans le renouveau d'une « histoire sociale de l'Algérie colonisée [3] » qui, dans la suite des travaux fondateurs de la regrettée Fanny Colonna sur les instituteurs issus de l'école de la Bouzaréah [4], amène plus d'un jeune chercheur à s'intéresser à des milieux professionnels aussi divers que les postiers (Annick Lacroix), les praticiens de santé (Claire Fredj) ou les gardes forestiers (Antonin Plarier) : autant d'occasions d'étudier, sans les caricaturer ni les idéaliser, les rapports personnels et sociaux qui ont pu se tisser dans chacun de ces milieux entre membres d'origine européenne et indigène.

S'agissant du métier d'avocat, l'accès aux archives encore inexplorées du barreau d'Alger suggère quelques premières observations que développera un ouvrage à paraître [5] : dans une corporation européenne ayant opiniâtrement défendu l'éminence de son rôle dans la société coloniale, l'affirmation d'une minorité indigène a dû surmonter bien des obstacles, d'abord juridiques, ensuite d'ordre social ; la diversité des trajectoires sociopolitiques empruntées par les membres de celle-ci n'aura pas évité que la solidarité professionnelle du corps vole en éclat sous les affrontements conduisant à l'indépendance.

Le barreau d'Alger : une caste protégeant son pouvoir élitaire

« Le premier de France après Paris ! » Cette revendication du barreau d'Alger visait davantage qu'une supériorité démographique, d'ailleurs douteuse : au milieu des années 1950, l'effectif algérois, avec un peu plus de 300 membres, ne dépassera que de quelques unités celui de la profession à Marseille [6]. Elle exprime plus substantiellement la satisfaction d'une corporation ayant su évincer, à l'issue de plusieurs décennies de combat, l'institution hybride, inventée lors de la Conquête, de « défenseurs » cumulant les fonctions d'avocat et d'avoué et nommés par l'autorité publique [7] : ce n'est qu'en 1881 [8] que la profession est pleinement soumise au régime libéral en vigueur en métropole [9]. Les avocats algérois se prévalent aussi du rôle essentiel imparti à leur cour d'appel dans la mise en œuvre d'une « législation coloniale » combinant, non sans difficultés, les principes généraux du droit français, le code de l'indigénat et une survivance du droit personnel musulman. Ils se flattent de même de leur place à la fois valorisée et influente dans la caste européenne des notables de la colonie, à travers notamment quelques dynasties familiales monopolisant la gouvernance de la profession [10]. Si celle-ci est censée incarner organiquement la défense des droits de l'individu, ses sommités se veulent solidaires d'un appareil de pouvoir qui en est la négation pour la grande masse de la population locale.

De 57 en 1894, le nombre des praticiens algérois franchit la barre des 100 en 1912, des 150 en 1925, des 200 en 1934, pour atteindre son point haut en 1953 (310), puis chuter, du fait de l'impact de la lutte d'indépendance, à 250 en 1961 et à 150 fin 1963. Dans une conception hautement élitaire de sa position, ce corps a défendu avec une rare vigilance les prérogatives fondant son prestige social et sa position économique. Pendant plus d'un demi-siècle, il aura combattu bec et ongles le projet de créer d'autres circonscriptions d'appel en Algérie, mais aussi en Tunisie, à l'égard de laquelle la cour d'Alger avait reçu la fonction d'appel [11]. Défendant, derrière la nécessité de « maintenir l'unité de la jurisprudence » pour toute l'Afrique du Nord, l'enjeu tout matériel des quelque « 3 000 affaires à juger chaque année » devant leur cour, ils obtiendront de repousser jusqu'à 1941 la création de la cour de Tunis et jusqu'à 1956 celle des cours de Constantine et d'Oran.

Un même sens de sa prépondérance s'exprime dans le dédain des praticiens algérois pour les barreaux dits « de l'intérieur », lesquels, avec quelque 385 membres au milieu des années 1950, prendront pourtant un petit avantage numérique sur celui d'Alger : de manière récurrente, ce dernier refusera de décompter les périodes de stage effectuées en dehors de son ressort. De même, le souci de limiter la concurrence potentielle des oukils [12] qui assuraient la fonction de défense devant les instances de justice musulmane, se manifeste tout au long de la période. Ne souffrant aucune entorse de ces praticiens à leur monopole devant les tribunaux de droit français, les avocats n'hésitent pas à revendiquer pour eux-mêmes le plein droit à les concurrencer dans les affaires de droit local [13].

Confronté à l'encombrement du marché de la plaidoirie, le barreau d'Alger restera en revanche impuissant à vraiment remédier aux rapports équivoques établis par les avocats avec des intermédiaires illégaux comme les chaouchs, sollicitant la clientèle la plus modeste jusque dans les prisons, ou avec ces professionnels sans statut reconnu que sont les « agents d'affaires ». Il n'aura pas eu davantage de succès pour faire reconnaître que les droits de la défense s'étendaient aux commissions administratives de discipline [14].

Au-delà de ses batailles corporatistes, le corps des avocats se sera parfois exprimé sur des questions d'organisation de la justice, manifestant notamment une vive opposition publique à l'instauration en 1902 des « tribunaux répressifs indigènes », juridictions spéciales hâtivement créées à la suite de la révolte de Margueritte et statuant sans recours [15]. Il ne pouvait en effet ignorer cette atteinte aux principes du droit, ni qu'elle le privait d'autant d'affaires en appel [16]. Dans les dernières semaines de l'Algérie française, il élèvera une autre « protestation énergique », contre la création du Tribunal de l'ordre public prévu par les accords d'Évian – institution d'exception qui tentera en vain de sanctionner les ultimes pratiques meurtrières de l'OAS ; cette mise en cause de dernière heure contraste cependant avec l'absence de réel combat de principe de sa part contre les avatars antérieurs de la « drôle de justice » mobilisée par la puissance coloniale depuis 1954 contre la revendication nationale [17]. Ainsi prend fin, dans l'ambiguïté, l'institution algéroise du barreau sous sa forme française.

Caste éminemment soucieuse tout au long de son existence de défendre à la fois son rang dans le système élitiste du pouvoir colonial et son privilège de clientèle, le barreau n'avait cependant pu éviter, au fil des années, de faire une place strictement mesurée à des candidats d'extraction indigène.

Avocats d'origine musulmane : les difficultés de l'accès à la profession

On dénombre entre 1881 et 1962 quelque 90 diplômés d'origine musulmane ayant été admis au stage ou inscrits au barreau d'Alger. Nombre des admissions ont cependant été rapidement suivies d'une démission. On retiendra donc plutôt que trois avocats « indigènes » seulement ont effectivement exercé à Alger avant 1914 [18] ; que, lors d'un recensement ethnique opéré sous le régime de Vichy, les professionnels musulmans, stagiaires compris, ne dépassent pas le nombre de 13, soit quelque 4,3 % de l'effectif total ; qu'à la rentrée 1956 on en décompte 29, dont 11 stagiaires. Beaucoup ayant été écartés de la profession par les « événements » d'alors, l'annuaire de 1962 n'en recense plus que 17, dont 2 stagiaires, soit moins de 6,5 % de l'ensemble [19].

Jusqu'au milieu des années 1920, le barreau aura tenté de limiter juridiquement l'admission de candidats indigènes. Au début de 1913, il refuse ainsi l’admission d’un jeune diplômé, Boussaad Aït Kaci, au motif que, bien que Français de nationalité par sa naissance dans l’Algérie coloniale, il ne dispose pas de la citoyenneté française [20]. L'argutie contrevient ouvertement à la position libérale contraire prise en 1864 par la Cour de cassation [21] en faveur d’un nommé Aïnos, «indigène israélite», lui aussi non-citoyen en cette période antérieure au décret Crémieux. Aït Kaci obtiendra donc justice en appel, puis devant la Cour de cassation qui soulignera notamment « que l’on comprendrait difficilement que l'appelant [...] puisse être déclaré inhabile à recueillir le fruit de ses études et de son instruction [22] ».

Malgré cette sérieuse rebuffade et alors qu'une nouvelle génération de diplômés sollicite d'entrer au barreau à partir de 1919, celui-ci mènera une nouvelle bataille d'arrière-garde contre l'admission de deux candidats non-naturalisés [23], subissant à nouveau le démenti de la cour d'appel [24]. Curieuse obstination où pourraient s'être conjugués une défense de l'entre-soi ethnique de la profession et, pour certains, un idéal assimilationniste refusant de dissocier l'accès d'indigènes à la profession de l'octroi d'un plein exercice des droits civiques [25].

Une fois levé cet obstacle factice, il restera aux candidats à franchir de multiples obstacles d'ordre culturel et social. Pouvoir assumer trois années d'études jusqu'à la licence en droit implique en règle générale de déjà bénéficier, à la génération précédente, de moyens financiers, d'un accès à la langue française et d'un certain prestige social qu'il soit d'origine ancienne ou lié à la société coloniale. Les rapports en vue de l'admission mentionnent ainsi volontiers l'aisance matérielle, le caractère localement influent ou les marques de loyauté à la France de la famille du postulant. Si les fils de notables traditionnels ou de riches négociants algérois ne sont pas rares [26], les cas restent exceptionnels d'enfants de paysan analphabète, tel Mohand Aberkane, faisant directement le « bond de mille ans [27] » leur donnant accès à l'étroite élite des diplômés francophones. De fait, par-delà la représentation populaire que le mouvement national voudra donner de son encadrement, l'essentiel des diplômés entrant au barreau est issu de couches intermédiaires ayant déjà bénéficié d'une première promotion scolaire, enseignants du primaire et agents plus ou moins subalternes de l'administration, interprètes notamment. Apparaît aussi l'amorce, dès avant 1962, de dynasties algéroises d'avocats « indigènes » [28], ou des fratries du barreau comme celles des Sator et des Boumendjel.

Moins de 20 % des avocats « indigènes » d'Alger sont originaires de l'agglomération, une part notable d'entre eux appartenant d'ailleurs à des familles kabyles installées dans la capitale, ce qui renforce encore la nette prédominance des professionnels issus de l'Est algérien : 48 au total, dont 35 pour la Kabylie, région ayant connu, on le sait, une scolarisation plus dense, et 13 pour le Nord-Constantinois [29].

Alors que la qualité de naturalisé reste exceptionnelle au sein de la population générale, la composante indigène du barreau d'Alger comprend au début des années 1940 près d'une moitié de naturalisés [30], que cette qualité soit acquise par filiation [31] ou par un choix individuel, accompagné parfois d'une conversion au catholicisme [32]. D'autres facteurs d'une certaine « francisation » s'observent avec quelque fréquence : origine européenne par la mère ou choix d'une épouse française (souvent enseignante) ; affiliation maçonnique [33] ; titres militaires, ayant donné lieu parfois à décoration, lors des mobilisations des deux conflits mondiaux. Nombre des candidats ont par ailleurs connu un passage antérieur dans un barreau de l'intérieur ou dans un autre métier francophone tel qu'interprète ou oukil, instituteur, surveillant de lycée ou de collège...

Les enfants de familles indigènes ayant souvent été orientés vers le brevet et le « primaire supérieur » et non vers le lycée, il n'est pas rare que les postulants au stage soient passés par la médersa d'Alger ou l'école d'instituteurs de la Bouzaréah avant de rejoindre l'université ; les représentants du barreau auront d'ailleurs bien veillé tout au long du siècle à éviter un usage plus large des équivalences au baccalauréat, de même qu'ils combattront encore en novembre 1961 un décret de dernière heure permettant l'accès au stage des indigènes titulaires d'un simple certificat d'aptitude.

La très grande majorité des recrues d'origine musulmane ont fait leurs études à Alger, où l'École de droit ouverte en 1879 est autorisée à délivrer la licence dès 1885, puis est érigée en faculté en 1909 [34]. Encore en 1952-1953, il n'y aura cependant en Algérie qu'un étudiant pour 15 342 habitants d'origine indigène (mais un pour 227 habitants européens) [35]. L'ostracisme qu'ils y ressentent souvent conduit même à ce qu'un nombre croissant d'entre eux préfèrent poursuivre leurs études en métropole, un avocat algérois d'origine musulmane sur cinq environ étant issu des facultés de Paris ou de province.

L'attrait qu'exerce la profession sur les étudiants d'Alger participe d'un double tropisme pour les filières non scientifiques, d'une part, pour les professions libérales, de l'autre, qui s'observe chez les Européens comme chez les indigènes. Pour ces derniers, il traduit aussi les effets d'une orientation de départ défectueuse ainsi que des obstacles, de droit ou de fait, leur ayant barré l'accès aux fonctions publiques d'autorité ou à la magistrature française ainsi qu'aux postes d'ingénieurs ou d'agronomes dans les entreprises à direction européenne.

Dans un corps restant jusqu'à 1962 à forte prédominance masculine, une unique femme figure parmi les praticiens de patronyme musulman, Kara Mimi, admise en 1936 [36]. Il faudra attendre 1964 pour que soient reçues les premières avocates algériennes, Fatiha Sahraoui [37] et la moudjahidate Meriem Belmihoub.

À la différence des praticiens européens, seule une minorité des avocats d'origine musulmane trouvera avant 1962 à s'installer dans le voisinage immédiat du Palais, la plupart d'entre eux continuant à exercer à proximité de la Basse Casbah, quartier moins coûteux et propice à la pratique des affaires de droit musulman. Si la clientèle européenne leur est presque totalement fermée, bien peu accèdent alors à celle des riches familles indigènes, et encore moins aux grandes affaires pénales (Abdelkader Haddou) ou politiques (Ahmed Boumendjel, défenseur du PPA en 1938).

Les trajectoires professionnelles indiquent par ailleurs qu'Alger représente souvent un simple passage dans une carrière se poursuivant, pour toute une part, dans un barreau de l'intérieur, nombre de ces mobilités précoces pouvant d'ailleurs tenir aux difficultés d'une installation dans la capitale : bien des candidats au stage ont du mal à satisfaire l'exigence d'un local professionnel décent, règle qui, devant la pénurie de locaux disponibles, sera d'ailleurs appliquée avec tolérance à partir des années 1940. Avec la tension croissante des rapports entre communautés, la solidarité entre confrères d'origine musulmane semble par la suite avoir conduit plusieurs praticiens en place à héberger au moins formellement nombre de jeunes stagiaires.

Un « plafond de verre » aura, pendant toute la période coloniale, fermé l'accès au bâtonnat à tout avocat d'origine musulmane [38], alors que dans les barreaux de l'intérieur il leur a été précocement ouvert. Quant à leur entrée au conseil de l'ordre, elle ne s'opère que lentement après le précédent du très francophile Bouderba en 1902, Haddou n'y parvient qu'en 1945 [39], suivi par Aberkane père en 1949, puis Kaddour Sator en 1954. En 1953, la jeune génération des avocats musulmans s'enorgueillit en outre que le jeune Ali Haroun soit élu au poste prestigieux de premier secrétaire de la « conférence du stage ».

À la suite d’Annie Rey-Goldzeiguer, on a pu appeler, en Algérie, le « monde du contact » un ensemble de lieux où, sans abolir la fracture ethnique entre les communautés, des voisinages, échanges, pratiques partagées de toute nature ont pu s'établir [40]. Le barreau comme institution obéit à une série de rites, de règles, de modes d'exercice professionnel auxquels ses membres s'astreignent d'autant mieux qu'elle veut donner forme à l'indépendance de la profession. S'étant côtoyés lors de leurs études et parfois dès le secondaire, les jeunes diplômés de toutes origines partagent ensuite des modes de convivialité propres au Palais et à son voisinage. Même après les années 1930, des recrues indigènes continueront parfois à faire leurs débuts auprès de collègues non-musulmans prêts à les accueillir. Dès le début du siècle, certaines instances de la vie publique s'étaient par ailleurs ouvertes pour eux à un certain frayage interracial : organes de défense des droits de l'homme ou loges algéroises comme « Bélisaire », publications de défense des droits des musulmans telles L'Ikdam, La Justice ou La Défense ; les structures proches du PCA ou l'Alger républicain d'après 1945 seront de même le lieu de rencontres interindividuelles transcendant la fracture coloniale.

De telles affinités idéologiques se développent cependant à l'écart de la majorité de la profession. Une adhésion partagée aux principes du barreau et la petite sociabilité pratiquée entre ses membres n'auront donc pu surmonter la persistance des assignations communautaires, la montée des positionnements nationalistes et l'aiguisement corrélatif des divergences politiques. Plutôt que vraiment partie d'un « monde du contact », la corporation aura plutôt été le lieu de deux mondes « en contact [41] », sans pouvoir éviter leur rupture finale. Au sein même des praticiens d'origine musulmane, cette même polarisation accentue encore la divergence des parcours sociopolitiques suivis par chacun à partir de ce qu'avait été leur combat commun pour forcer le monopole européen d'accès au métier.

Entre « francisation » et engagement national, des trajectoires qui divergent

Longtemps, l'administration coloniale a craint que l'enseignement supérieur n'amène « les Indigènes à prendre un sentiment peut-être exagéré de leur rôle ». De manière symétrique, la nouvelle classe politique musulmane a pu suspecter les diplômés de s'être coupés de leurs origines, soupçon d'« embourgeoisement » qu'aggravera la conception populiste de la révolution algérienne. Pour autant chaque génération d'avocats algérois aura été d'un apport remarqué aux divers courants d'expression indigène apparus dans le cadre français puis sur les voies du combat national.

La députation restant jusqu'à 1945 monopole européen, c'est au conseil municipal d'Alger que commence à s'exprimer la première classe politique algérienne : après le frère de Bouderba, Omar, dès avant 1914, trois membres musulmans du barreau (Khelifa Kerrad en 1919, Haddou en 1929 [42], Ahmed Boumendjel en 1938) y accèdent dans l'entre-deux-guerres, période où le déclin des notables « Jeunes Algériens » fait place aux premières différenciations sur la question nationale [43].

Les ordonnances de 1944 permettent une première présence musulmane dans la représentation parlementaire, avec K. Sator, membre fondateur de l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA) élu à l'Assemblée nationale constituante en juin 1946, et Ahmed Boumendjel, secrétaire général de l'UDMA, brièvement sénateur en 1948 puis conseiller de l'Union française de 1950 à 1957. Quant à Boudjemâ Ould Aoudia, conseiller général de Grande Kabylie, il entre à la nouvelle Assemblée algérienne en 1951 sous étiquette MRP. Avec les frères Boumendjel et K. Sator, il sera l'une des chevilles ouvrières de la « motion des 61 » de septembre 1955 qui marque la rupture des élus algériens avec les attentes placées dans la voie légale. Entre-temps l'avocat Abderrahmane Kiouane, membre du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), avait accepté en 1953 de se joindre au nouveau maire, Jacques Chevallier, dans la tentative, qui fera long feu, d'une certaine cogestion intercommunautaire de la ville.

Le discrédit d'une voie électorale minée par la fraude puis l'ouverture de la guerre de libération nationale induisent un antagonisme croissant de trajectoires entre membres algériens du barreau. Par exception, une « francisation totale [44] » peut conduire quelques-uns à s'intégrer aux sommets français de l'État : Ibazizen conclut ainsi son trajet de naturalisé volontaire, Croix-de-Feu dans les années 1930, en étant nommé en 1959 au Conseil d'État, où Aberkane fils le rejoint après avoir été évincé de l'agrégation de droit. D'autres, tels Robert Abdesslam, député d'Alger de 1958 à 1962, et Ali Chekkal, vice-président de l'Assemblée algérienne, s'enrôleront pour la perpétuation de l'Algérie française, participant même à partir de 1956 aux délégations françaises à l'ONU lors de l'examen de la question algérienne.

Tout à l'inverse, la plupart des jeunes avocats d'origine musulmane vont s'engager dans l'UDMA, ou dans le PPA puis le MTLD, et aux côtés de l'action armée d'après 1954. Ils se partagent sur des positions contrastées à l'occasion des affrontements qui divisent le MTLD, de la crise dite « berbériste » de 1949 à son éclatement final à l'été 1954 [45]. Certains d'entre eux continueront à assurer la défense des militants du Mouvement national algérien (MNA) alors créé par Messali Hadj [46].

Certains des membres du barreau délaisseront rapidement l'exercice professionnel au bénéfice de responsabilités politiques auprès du FLN, le plus souvent hors d'Algérie. Mohamed Seddik Benyahia, animateur de la grève des étudiants de 1956, devient membre suppléant du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) au congrès de la Soummam, puis directeur de cabinet de Ferhat Abbas à la présidence du GPRA. Hadj Hamou est chef de cabinet de M'hamed Yazid, ministre de l'Information du GPRA, tandis que Haroun rejoint en 1958 la direction de la Fédération de France [47], que Kiouane part au Caire et qu'Ahmed Boumendjel entre au CNRA en août 1957, puis conseille le ministre de l'Information ; lui, Benyahia et Seghir Mostefaï feront partie des négociateurs des accords d'Évian. Quant à Ali Boumendjel, il espace ses interventions au Mouvement de la Paix pour œuvrer, en liaison avec Abane Ramdane, aux rapprochements entre les élus modérés et le FLN [48].

Pour nombre d'autres membres du barreau, le militantisme continue à passer par la défense des nationalistes inculpés. Celle-ci avait dû s'organiser dès les grands procès suivant le démantèlement en 1951 de l'Organisation spéciale (OS), branche militaire clandestine du PPA, et le procès en octobre 1953 de dirigeants du MTLD (dont Kiouane) [49]. L'expérience prépare l'action collective des avocats algérois militants telle qu'elle s'organise à partir du début 1955, en dialogue avec le plus connu collectif parisien des avocats du FLN. Le fonctionnement du collectif algérois aura donné lieu à de pénibles controverses rétrospectives [50], avant d'être consacré comme l'un des chapitres héroïques du roman national algérien auquel restent associés les noms d'Abderrezak Chentouf, Amar Bentoumi, Benyahia, Hadj Hamou, Néfa Rebbani, Mahieddine Djender, K. Sator et des stagiaires Arezki Bouzida, Ghaouti Benmelha, Abdelhamid Hammad, Amokrane Amara, Omar Menouer, Hocine Tayebi [51].

Le large spectre politique ainsi ouvert entre une francisation complète et une radicalisation nationaliste croissante n'exclut pas parmi les membres du barreau des trajectoires complexes ou évolutives.

Ainsi de Haddou, proche en 1937-1938 des communistes, l'un des défenseurs du PPA l'année suivante, nommé par Vichy à la délégation municipale d'Alger et à la Commission financière algérienne, signataire en 1943 du « Manifeste du peuple algérien », puis avocat d'inculpés devant le Tribunal permanent des forces armées après 1954 et décoré de la Légion d'honneur à quelques mois de l'indépendance...

Le cas d'Ould Aoudia père illustre pour sa part qu'un haut degré d'assimilation personnelle à la culture française ne détourne pas nécessairement du refus de la violence coloniale, ni d'une forme de patriotisme algérien [52] : bien que citoyen français, il choisit de se porter candidat à l'Assemblée algérienne au titre du « second collège » puis rejoint l'« intergroupe des Libéraux ». Si la répression aveugle faisant suite au 20 août 1955 l'avait conduit à la tête du « comité des 61 » tout en se défendant encore d'avoir une attitude antifrançaise [53], il démissionne à la fin de 1956 du Conseil général en protestation contre le blocus militaire de la Kabylie. Il acceptera alors de conduire l'une des tentatives secrètes de négociation avec le FLN (à laquelle met fin le meurtre de Larbi Ben M'hidi) et, l'indépendance venue, présidera à titre bénévole la chambre criminelle de la Cour suprême jusqu'à 1973.

1957-1962 : la solidarité de corps à l'épreuve du non-droit et de la violence

La fracture politique s'exacerbe au sein du barreau avec l'escalade qu'ouvrent la bataille d'Alger et le recours généralisé à des juridictions d'exception. Les défenseurs tant européens que musulmans des militants nationalistes sont brutalement frappés par des procédures arbitraires, puis dénoncés par le Premier ministre Michel Debré comme « des agents du FLN en robes noires », paieront le plus lourd tribut à la surenchère croisée d'assassinats politiques culminant dans la dernière année et demie de la guerre.

Le coup de filet opéré dès après l'arrestation d'Ali Boumendjel par les parachutistes le 9 février 1957 atteint Djender et les avocats proches du PCA, Louis Grange, Albert Smadja et Élie Guedj, puis Amara, Hammad, Zertal, Menouer, Benmelha, K. Sator. Hors de toute légalité, l'opération conduit à l'« hébergement » des praticiens d'origine musulmane dans les camps de Berrouaghia puis de Beni-Messous ou Bossuet, tandis que leurs collègues européens ou juifs sont internés à Lodi.

Bien que ces opérations échappent à tout contrôle judiciaire et bafouent le monopole disciplinaire du conseil de l'ordre en matière professionnelle, la protestation du barreau trouvera pour limite l'adhésion de la grande majorité de ses membres européens à la défense de l'Algérie française et aux nécessités supposées du « maintien de l'ordre ». Pour autant, on ne saurait sous-estimer la gêne politique que la réaffirmation publique des prérogatives du barreau crée pour la mise en œuvre des mesures d'exception. Les avocats nationalistes eux-mêmes trouvent dans les principes républicains une ligne de protection en même temps que le moyen d'en appeler à l'opinion.

La pratique des assignations à résidence met cependant directement à l'épreuve la solidarité confraternelle du barreau lorsque, à partir du début de 1957, elle atteint nombre de ses membres aussi bien européens que musulmans. À la suite de l'interpellation d'Ali Boumendjel, le bâtonnier obtient du ministre résidant Robert Lacoste qu'au moins « il ne serait procédé à des arrestations d'avocats qu'après que lui-même eût été entendu » : de fait, dès le lendemain, le préfet lui soumettra « une liste d'avocats du barreau d'Alger sur le point d'être envoyés dans des camps d'hébergement » ! De démarches infructueuses en satisfactions de pure forme, les représentants du barreau se flatteront d'avoir fini par obtenir l'instauration d'une « commission de vérification » des assignations dont ils demanderont par la suite qu'elle traite aussi des « mesures d'expulsion des départements algériens ou de défense d'y pénétrer ». Cette protection ne fera en rien obstacle à la pratique croissante consistant à envoyer en centre d'hébergement des inculpés innocentés en justice ou ayant régulièrement purgé leur peine. Il faudra attendre la reconstitution de la « Commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles » sous la présidence de Maurice Patin pour qu'au début de l’année 1959, les avocats d'Alger assignés à résidence soient enfin libérés.

Si le barreau déplore sa non-information préalable lors d'une nouvelle arrestation de Zertal en octobre 1961, il avait réagi d'une manière autrement plus offensive en boycottant l'installation du nouveau procureur général Robert Schmelk, favorable à des négociations en Algérie, pour protester contre l'arrestation des avocats Jean Trape et Jacques Laquière, le propre fils du bâtonnier, participants actifs à la journée des Barricades [54].

Fin 1960, la situation des camps d'hébergement conduit cependant le barreau à s'élever publiquement contre les « conditions inhumaines dans lesquelles de nombreux Français de souche, des Français musulmans, et, parmi eux, des mineurs, ont été, le plus souvent illégalement, placés », voire contre des usages « rappelant les plus sinistres et les plus ignobles internements dans les camps allemands ». Dans ses appels les plus solennels au respect de l'État de droit, il acceptait cependant d'emblée que les mesures d'exception seraient « des actes de gouvernement dans lesquels il n'est pas possible à l'Ordre des avocats de s'immiscer » et tenait à saluer « l'action efficace actuellement menée pour le maintien de l'ordre en Algérie ».

Le Conseil de l'ordre use en outre de ses prérogatives propres pour sanctionner les avocats nationalistes sans plus vraiment séparer discipline professionnelle et répression politique. Resté prudent devant la participation de plusieurs stagiaires à l'appel à la grève générale lancé par le FLN en janvier 1957 ou ayant encore admis le droit de Kiouane à s'exprimer dans L'Algérie libre, il le radiera lors de son ralliement au FLN, jugé « inadmissible de la part d'un avocat appartenant à un barreau français ». Dès lors, omissions du tableau puis exclusions de la profession frapperont tour à tour chacun des avocats nationalistes.

Les éliminations physiques atteignant les membres du barreau d'Alger confirment le caractère exacerbé, mais aussi la complexité des différenciations politiques qui se font jour en son sein. Travesti en suicide, l'assassinat, le 25 mars 1957 d'Ali Boumendjel, symbolise aux yeux de l'opinion internationale la systématisation par l'armée française de la torture et de l'élimination individuelle.

À l'opposé la spectaculaire exécution de Chekkal, le 26 mai suivant, est revendiquée par la Fédération de France du FLN comme celle d'un traître à sa communauté. À partir du début 1961, ce sont les meurtres à l'initiative de l'OAS qui se multiplient contre des avocats en exercice et non plus des personnalités politiques. Outre de jeunes Européens libéraux ou chrétiens de gauche [55], sont alors éliminés deux praticiens musulmans modérés, Aberkane père (le 2 février 1962) et Abderrahmane Zizine (le 13 avril) : « Pieds-noirs » trop ouverts à la revendication indépendantiste ou Algériens trop liés à la culture française, ces assassinats de la dernière heure s'inscrivent ouvertement dans la volonté d'empêcher toute chance de dialogue entre hommes de bonne volonté [56]. En mars 1962, le barreau se justifiera d'avoir jusque-là contenu sa réaction « dans l'intimité et la dignité de l'Ordre » par le souci de réserver « leur concours absolu à tous les justiciables »...

La faillite morale et politique de l'institution sous sa forme française avait déjà été consommée avec le soutien apporté par le bâtonnier Maurice Laquière aux putschistes d'avril 1961. Par une mesure sans précédent, le pouvoir gaulliste prononce alors la dissolution du conseil de l'ordre. Il reviendra au bâtonnier Henri Béraud, élu en octobre suivant, d'assurer les transitions nécessaires en bonne intelligence avec Bentoumi, devenu garde des Sceaux de l'Algérie indépendante. Le décret d'amnistie du 22 mars 1962 facilite une vague de retour à Alger de praticiens algériens qui croise le départ progressif de nombre de leurs collègues européens. Sous la conduite de K. Sator, le barreau ouvrira, fin 1963, la page pleinement algérienne de son histoire.

*

Après la rapide mise à l’écart des quelques-uns d'entre eux associés à l’exercice du pouvoir au lendemain de l’indépendance [57], la génération d’avocats militants d’avant 1962 n’aura guère pu jouer le rôle que l’on aurait attendu d’elle dans l’invention d’une forme algérienne de la démocratie, la caste militaire ayant continué à contrôler la dévolution du pouvoir au-delà même de la période de parti unique [58]. Un demi-siècle plus tard, le barreau a connu pas moins de cinq statuts successifs [59] au sortir desquels il aura su préserver l'essentiel de son indépendance face à une justice restée hautement politisée. Avec près de 6 500 membres du barreau d'Alger, dont quelque 850 stagiaires, des modes très différenciés d’exercice des métiers du droit s'y conjuguent de nos jours avec un puissant mouvement de rajeunissement et de féminisation. Au-delà d’une situation économique restant incertaine pour nombre d'entre eux, puissent ces jeunes professionnels mettre les principes transmis par leurs aînés au service d'un moderne État de droit qui reste largement à construire !

Christian Phéline
Communication lors du colloque « Justices et Algérie » 
18 mars 2016
Texte publié dans Le Lien numéro 67


Notes :

  1. Voir notamment les actes du colloque international Algérie 1954-1962. Les Robes noires au Front : entre engagement et « art judiciaire », Malika El Korso (dir.), Alger, Éditions Les Amis de Abdelhamid Benzine, 2012.
  2. Comme cela a été récemment fait pour le cas tunisien : Éric Gobe, Les avocats en Tunisie de la colonisation à la révolution (1883-2011). Sociohistoire d'une profession politique, Khartala et IRMC, 2013.
  3. Selon le titre du séminaire de recherche animé par Sylvie Thénault, Emmanuel Blanchard et, depuis cette année, Jim House.
  4. Instituteurs algériens, 1883-1939, Paris, Presses de Sciences-Po, Alger, Office des publications universitaires, 1975.
  5. Nous devons au bâtonnier Abdelmajid Sellini d'avoir compris tout l'intérêt d'une ouverture à la recherche de ce fonds, qui comprend l'intégralité des registres de délibérations du conseil de l'ordre depuis 1892 et la plupart des dossiers professionnels des membres du barreau sur cette même période. Merci à Mohamed Randi et à Farès Benabdi qui m'ont facilité à chaque étape l'exploration de ce fonds. Amplement analysées dans un ouvrage à paraître, les références précises aux délibérations ou aux situations individuelles visées ne peuvent être données dans les limites du présent article.
  6. Ces ordres de grandeur sont tirés de l'Agenda et annuaire de la magistrature et du barreau.
  7. Voir Jean Gueydan, Les avocats, les défenseurs et les avoués de l'Union française, LGDJ, 1954
  8. Décret du 27 décembre 1881.
  9. L'instauration par Vichy d'un numerus clausus à l'encontre des avocats juifs fera l'objet de dispositions propres à l'Algérie (décret du 5 novembre 1941) tandis qu'à titre spécial, le décret du 28 novembre 1961 sera « destiné à faciliter l'accès des Français musulmans d'Algérie aux fonctions d'avocat en Algérie ».
  10. Les Robe, Blasselle, Gouttebaron, Trape, Laquière, etc.
  11. Loi du 27 mars 1883.
  12. Défenseurs devant les cours de droit musulman.
  13. Encore après l'indépendance, en mars 1963, le barreau d'Alger s'opposera à l'application d'une mesure prise fin 1961 par le pouvoir colonial prévoyant la possibilité pour les oukils disposant de dix ans d'ancienneté de devenir avocats. Cette attitude contraste avec celle ayant prévalu dans la Tunisie indépendante où les oukils ont réussi à obtenir la fusion de leur profession avec celle d'avocat.
  14. Prétention que le Conseil d'État repousse dans son arrêt El Kolli Ahmed du 10 janvier 1913.
  15. Christian Phéline, Les insurgés de l'an 1. Margueritte (Aïn-Torki), 26 avril 1901, Alger, Casbah éditions, 2012, p. 99-100 et 192-195.
  16. Ces tribunaux spéciaux ne seront cependant supprimés qu'en 1931.
  17. Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d'Algérie, préface de Jean-Jacques Becker, postface de Pierre Vidal-Naquet (2001), La Découverte/ Poche, 2004, ainsi que « La justice au secours de l'État : le cas particulier du tribunal de l'ordre public », Histoire de la Justice, no 16, 2005.
  18. Le premier en date étant Ahmed Bouderba, admis au stage en 1891.
  19. Deux d'entre eux, Mohand Aberkane et Zizine, seront en outre assassinés par l'OAS au cours des mois qui suivent.
  20. Sur cette dissociation juridique entre nationalité et citoyenneté, voir Laure Blévis, « L’invention de l’“indigène”, Français non citoyen », in : Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault (dir.), Histoire de l’Algérie à l’époque coloniale, La Découverte/ Barzakh, 2012 ; sur l'affaire Aït Kaci, Christian Phéline, Un Guadeloupéen à Alger. Me Maurice L'Admiral (1864-1955), Paris, Riveneuve éditions, 2015, p. 91-100.
  21. Cour d’appel d’Alger, 24 février 1862, Dalloz, 1862, 2, p. 102, confirmé par la Cour de cassation, le 15 février 1864, Dalloz, 1864, 1, p. 113-117.
  22. Cour d'appel d'Alger, 18 juin 1913, confirmé par la Cour de cassation, le 29 juin 1914, Dalloz, 1916, 1, p. 51, et commentaires d'Émile Larcher, Revue algérienne, tunisienne et marocaine de législation et de jurisprudence, 1914, 2, p. 35-44, et 1916, 2, p. 122-129.
  23. Mohamed Kaïd-Hammoud et Mohamed Boumghar.
  24. Délibérations du conseil de l'ordre, juin-juillet 1925 et février-juillet 1926.
  25. Cette approche avait inspiré en 1912 la demande du barreau qu'il soit au moins mis fin légalement à « la situation des avocats musulmans qui se trouvent soumis, malgré leur profession, à la loi sur l'indigénat ».
  26. En témoignent notamment les noms de Bouderba, Ou-Rabah, Benhabylès, Kaïd-Hammoud, Sator, Bensmaïa, Hadj Hamou.
  27. Selon l'expression d'Augustin (Belkacem) Ibazizen, Le Pont de Bereq'Mouch ou le Bond de mille ans, La Table ronde, 1979.
  28. Avec Ould Aoudia, Abdesslam et Aberkane pères et fils.
  29. Si l'on met à part quelques provenances du proche algérois ou des Oasis, seuls 16 avocats représentent toute la zone ouest du pays.
  30. Six sur treize selon le recensement de 1941.
  31. Par exemple pour Charles (Mohamed) Ben Sédira avant 1914, Robert Abdesslam, Hassen Aberkane.
  32. Cas notamment d'Ibazizen, Boudjemâ Ould-Aoudia, Robert Abdesslam.
  33. Outre une tradition familiale établie chez les Bouderba, ou, à d'autres générations, Belhadj El Khamal, Berkani, Boutaleb, Ou Rabah, Ouhahioune, puis Hadj Hamou ou Lakhdari, on connaît l'initiation d'Ahmed Boumendjel à Paris en 1936.
  34. Jean Mélia, L’Épopée intellectuelle de l’Algérie. Histoire de l’université d’Alger, Alger, La Maison des livres, 1950.
  35. Article signé par « un groupe d'étudiants », « L'université d'Alger, ou À la recherche d'une élite », Consciences Maghribines, no 4, janvier-mars 1955.
  36. De mère européenne, elle s'installera à Paris en 1945.
  37. Elle formera avec Seghir Mostefaï le premier couple d'avocats algériens passés par le barreau d'Alger.
  38. De même d'ailleurs qu'aux professionnels juifs.
  39. De ce fait, pour la première fois, des candidats indigènes, à commencer par Ougouag en 1946, sont admis au stage sur rapport d'un membre de leur communauté.
  40. Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945, De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, La Découverte/ Poche, 2006, p. 69-92. Voir aussi la mise au point d'Emmanuel Blanchard et Sylvie Thénault, « Quel monde du contact ? Pour une histoire sociale de l'Algérie pendant la période coloniale », Le Mouvement social, no 236, « La société du contact dans l’Algérie coloniale », juillet-septembre 2011.
  41. Cette variation « mondes en contact »/« monde du contact » a été suggérée par James McDougall lors d'une réunion (18 novembre 2015) du séminaire dirigé par Sylvie Thénault, Emmanuel Blanchard et Jim House.
  42. Il sera élu aux Délégations financières en 1935 ; plusieurs autres membres du barreau (Kaïd-Hammoud, Lakhdari) sont apparentés à d'importantes figures de ce pseudo-parlement algérien.
  43. Voir Kaddache, La vie politique à Alger de 1919 à 1939, Alger, SNED, 1970.
  44. Abdelkader Djeghloul, « La formation des intellectuels modernes, 1880-1930 », Lettrés, intellectuels et militants en Algérie 1880-1950, Alger, OPU, 1988, p. 10.
  45. Belhocine est en 1949 l'un des auteurs de la brochure L'Algérie libre vivra qui tente de faire valoir la conception d'une nation « algérienne » sans exclusivisme arabe ou musulman. Abderrezak Chentouf se solidarise en 1951 avec Chawki Mostefaï et ses propositions d'unité avec l'UDMA et les Oulémas. Quant à Kiouane, il se retrouve aux côtés de Ben Khedda ou de Hocine Lahouel dans la rupture entre les « centralistes » et les partisans de Messali Hadj.
  46. Notamment Taïbi, Hadj Ali, Hammad, Ougouag, Bentoumi et Benmelha.
  47. Ali Haroun, La 7e Wilaya : la guerre du FLN en France, 1954-1962, Seuil, 1986.
  48. Malika Rahal, Ali Boumendjel. Une affaire française, une histoire algérienne, Paris, Belles Lettres, 2010, et Alger, Barzakh, 2011
  49. Abdelkader Ougouag, Les grands procès : Organisation spéciale (Oran : 6 mars 1961) ; Procès politique (Alger : 29 octobre 1953), Alger, Dahlab, 2012, et Sharon Elbaz, « L’avocat et sa cause en milieu colonial. La défense politique dans le procès de l’Organisation spéciale du Mouvement pour le triomphe des libertés en Algérie (1950-1952) », Politix, volume 16, no 62, 2003.
  50. Entre Ougouag, Arezki Bouzida (Le barreau et la révolution, texte dactylographié, 1986) et Amar Bentoumi (La défense des détenus politiques avant et pendant la guerre de libération, suivi de Considérations générales sur la profession d'avocat, Alger, 1986), elles portaient sur le désintéressement de chacun, le caractère justifié ou non de périodes d'absence d'Alger, l'attribution de la responsabilité dirigeante, voire sur l'appartenance même au collectif.
  51. Voir les témoignages publiés dans Les Robes noires au front..., op. cit..
  52. Jean-Philippe Ould Aoudia, Un élu dans la guerre d'Algérie. Droiture et forfaiture, Éditions Tirésias, 1999.
  53. ANOM, 91/4I/153 : dans une lettre à Soustelle rendue publique en octobre 1955, il affirme que « L'Algérie ne peut être que française » et, bien qu'ayant reçu en mars suivant une lettre de menaces suivi d'un jet de grenade à son domicile (notice individuelle du 4 juillet 1956), s'exprime avec d'autres élus modérés en faveur de « l'application rapide d'un programme économique et social qui lui permette [au peuple algérien] de prendre une part active aux destinées de l'Algérie, sous la tutelle de la France » (note RG du 5 novembre 1956).
  54. Il s'indigne aussi vivement contre l'expulsion de deux défenseurs algérois d'inculpés des Barricades, Me Baille et Me Guidat.
  55. Pierre Popie (tué le 25 janvier 1961), Pierre Lemas (qui survit à ses blessures), Pierre Garrigues et Yves Fraychinaud.
  56. Relève de cette même politique l'assassinat du fils aîné de Boudjemâ Ould Aoudia, Salah Henri Ould Aoudia, l'un des cinq responsables des Centres sociaux tués avec Mouloud Feraoun le 15 mars 1962 ; quant à son neveu, l'avocat parisien progressiste Amokrane Ould Aoudia, il avait été abattu au printemps 1959 dans la capitale (voir à ce sujet Jean-Philippe Ould Aoudia, Deux fers au feu. De Gaulle et l'Algérie : 1961, suivi de : Un crime d'État. Paris 23 mai 1959, Éditions Tirésias, 2015.
  57. Outre les ministères dévolus quelque temps à Bentoumi, Hadj Hamou et Ahmed Boumendjel et le poste de gouverneur de la banque nationale confiée à S. Mostefaï, sept membres du barreau d’Alger auront été retenus comme députés à l’Assemblée constituante, où Bouzida se signale comme l’une des figures de la petite minorité s’étant opposée au tour autoritaire pris par l’organisation des pouvoirs publics.
  58. Seuls Benyahia, continûment ministre de 1966 à sa mort dramatique seize ans plus tard, et Ali Haroun, membre du Haut Comité d’État mis en place après la suspension du processus électoral début 1992, auront occupé des postes de pouvoir après 1965.
  59. Ordonnances du 27 septembre 1967, du 13 novembre 1972 et du 26 septembre 1975, puis lois du 8 janvier 1991 et enfin du 29 octobre 2013.

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