MAX MARCHAND, DE MOULOUD FERAOUN
ET DE LEURS COMPAGNONS
CSE Bulletin de liaison N°3
Bulletin de liaison, d'information et de documentation N°3
diffusé par le Service des Centres Sociaux Éducatifs
Château Royal, El-Biar, Alger
Juin-Juillet 1956
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Sommaire
- Editorial 3 (par Ch. Aguesse)
- Spécialistes et Polyvalents
- Réflexions sur le sens de l ’éducation en milieu féminin dans les Centres Sociaux
- Secrétariat Social
- La Vulgarisation agricole (par M. KERGOMARD)
- Stage de Saint-Germain-en-Laye
- Le Centre Social de BEL-AIR
- Départ d’une équipe à ROUINA
INFORMATIONS: - Bibliothèque des Centres Sociaux
- Une définition de l’Education de Base
- Bibliothèque personnelle du moniteur
- Stage pédagogique des Moniteurs (texte en Arabe)
EDITORIAL
En ce début de Juillet que de mauvaises habitudes universitaires et le recueillement assoupi de la nature nous font paradoxalement considérer comme une fin d’année, plusieurs centres achèvent de s'élever, de nouvelles équipes vont se lancer dans l’action. Le personnel se réunit, confronte ses expériences, informe les derniers venus; les grands principes d’action sont à nouveau posés, les programmes et les méthodes précisés.
Notre point de départ est la misère dans laquelle vit une grande partie de la population algérienne, et notre combat est d’abord un combat contre le misère - et contre l’ignorance dans la mesure où elle est cause de misère. Aucun d’entre nous, quelle que soit sa formation d’origine, ne doit perdre de vue que le plan sur lequel nous sommes situés est d’abord économique et social, que notre action doit d’abord améliorer matériellement la vie de l’Algérien, et, en particulier, du fellah.
Or, nous risquons, si nous n'y prenons sans cesse garde, de partir sur un chemin plus facile en tenant compte de ce que nous avons et pouvons immédiatement apporter plus que des besoins immédiats et vitaux. Ce serait une erreur - nous l’avons commise - que de faire un cycle d’éducation sanitaire dans un bidonville sans eau, sans égout, où les essaims de mouches cachent les ordures ménagères. Du moins, ce serait une errëur si ce cycle reste abstrait et si rien n’est fait en même temps pour incinérer les ordures, creuser des égouts, amener l’eau; si la population ne sent pas la nécessité de "s'y mettre".
Il faut donc d'abord procéder à l'analyse des besoins locaux et déterminer les "programmes" en fonction de l'urgence de ces besoins. Mais il faut aussi ne jamais oublier trois grands principes sur lesquels repose, toute notre action et qui sous-tendent nos méthodes.
En premier lieu, que, pour les collectivités inadaptées à la forme sociale dans laquelle les situe notre époque, nous sommes le premier barreau de l'échelle, le plus bas et le plus nécessaire, celui qui doit permettre à l'homme d’atteindre le suivant et tous les autres, de s’accrocher à son temps, de s’y redresser dans la connaissance de ses droits et de ses devoirs.
En second lieu, que notre action cherche à atteindre non pas l’individu dans son perfectionnement personnel, mais la collectivité ; action d’ensemble par le concours de tous les moyens éducatifs sur tous les groupes de la collectivité pour une promotion générale.
Enfin, et surtout, que le Centre Social n’est pas la réunion de quelques coeurs généreux en face d'une population misérable , et inadaptée, lui apportant une aide extérieure. Le Centre Social doit être l'émanation de la population, cette part d’elle-même qui ressent de façon plus aigüe ou plus nette les besoins, qui cherche avec l’ensemble des intéressés le moyen de les satisfaire, le moyen de s’évader enfin du cycle infernal de la misère et de l’ignorance.
Notre travail ne sera humainement fécond que si chacun de nous fait sienne cette misère de tous, sent qu’il y est entièrement engagé lui-même, sait qu’il n’y a rien d’autre à faire que d’essayer d’en sortir ensemble, avec tous les autres.
Ch. AGUESSE