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Albert Camus parle des Arabes


Albert Camus, © wikipedia
Albert Camus, © Wikipedia

Cet article d’Agnès Spiquel, professeur de littérature à Valenciennes et présidente de la société des études camusiennes, a été publié dans l’ouvrage collectif Les Ecrivains français et le monde arabe, Ralph Heyndels éd., publié sous la direction de Madeleine Bertaud par l’Association pour la diffusion de la recherche littéraire. Nous la remercions,  ainsi que les éditeurs de cet ouvrage, de nous avoir autorisés à publier sa contribution sur notre site.

Si Albert Camus a été violemment contesté pour n’avoir pas pris le parti de l’indépendance de l’Algérie et soutenu le FLN, on lui a reproché au moins autant de n’avoir pas parlé des Arabes dans son œuvre, sinon pour en faire des silhouettes anonymes et menaçantes, comme l’Arabe de L’Étranger, victime d’un meurtre gratuit, ou l’Arabe assassin de « L’Hôte » dans L’Exil et le royaume ; sur le reste, on l’accuse d’avoir montré, dans ses fictions, une Algérie sans Arabes. L’anathème prononcé en 1965 par Ahmed Taleb Ibrahimi, alors ministre algérien de l’Éducation nationale, (« Il reste pour nous un étranger ») a perduré ; et le cinquantenaire de sa mort a réactivé ces accusations.

Or Camus parle des Arabes. Il le fait, bien sûr, dans ses textes journalistiques ; on le constate en parcourant Chroniques algériennes où, en 1958, il rassemble tous ceux qu’il a écrits depuis 1939 et en ajoute deux, essentiels, sur la guerre en Algérie et sur les revendications nationalistes [1]. Qu’il parle d’Arabes, ou d’Arabo-Berbères, ou – selon la terminologie de l’époque – d’indigènes ou de musulmans, il dénonce leur misère, engendrée par le système colonial, et la terreur où les plongent les représailles des deux camps pendant la guerre. Ailleurs, dans les essais et surtout dans les fictions, le détour de l’écriture lui permet de parler d’eux autrement, pour traduire à la fois sa perception de l’Algérie coloniale et celle de l’Algérie en guerre, et pour dessiner l’utopie de l’Algérie pluriethnique qu’il garde vivante en lui, même dans le déchaînement d’une violence irrémédiable.

Évoquant les textes où Camus parle des Arabes, je me mets dans le sillage de chercheurs qui ont voulu, autant que faire se peut, interroger ces textes honnêtement ; au premier rang d’entre eux, Christiane Chaulet-Achour, qu’une longue évolution a menée à son bilan nuancé, Albert Camus et l’Algérie [2]. Mais il n’est pas simple de rendre compte de la manière dont l’écrivain parle des Arabes dans ses fictions. On ne peut lui imputer les perceptions, encore moins les actions ou les opinions de ses personnages. Pour autant, ces fictions adoptent, comme point de vue focalisateur du récit, le regard d’Européens. Il ne faut pas conclure trop vite à un inconscient colonial : n’y aurait-il pas imposture à faire comme si l’on pouvait raconter à partir d’un point de vue dont on n’a eu aucune sorte d’expérience ? Cette question du point de vue a aussi son importance dans le détail du récit : un personnage ne sait pas tout...

Le référent n’est pas moins important : dans l’Algérie coloniale, les deux communautés se côtoient sans se mêler, s’ignorent quand elles ne se heurtent pas. Or Camus entend témoigner ; c’est parce qu’il a découvert, à dix-sept ans, que la littérature pouvait parler du réel quotidien qu’il a voulu être écrivain [3]. Mais comment rendre compte du réel sans y consentir ? Montrer, faire comprendre, sans justifier pour autant, est-ce possible ? C’est une question qu’il s’est longuement posée. Dans ses romans, surtout dans Le Premier Homme, il rend compte du réel complexe de l’Algérie coloniale tel qu’il l’a vécu dans son enfance, mieux appréhendé pendant sa jeunesse, avant son départ forcé pour Paris en 1940, et du réel plus complexe encore du pays des années 1950, qu’il perçoit par ses voyages annuels et par les nombreux contacts qu’il y a gardés.

Je montrerai donc – modestement – comment il parle des Arabes, dans ses fictions essentiellement, pour lesquelles la distinction s’impose entre celles qu’il situe avant la guerre et celles dont l’action se déroule pendant la guerre ou aux approches de celle-ci.

Un Arabe est présent tout au long de « Entre oui et non », l’essai majeur du recueil de jeunesse intitulé L’Envers et l’endroit (1937). La méditation, sur le mode de la vérité générale, et la remontée des souvenirs, parfois à la troisième personne, sont prises dans le récit, au présent et à la première personne, d’une longue rêverie nocturne dans un « café maure, tout au bout de la ville arabe » [4]. Dans ce café désert, au décor exotique, un seul homme, « le patron », « accroupi dans un coin » [5] ; sa présence physique, perçue intensément (« J’entends l’Arabe respirer très fort, et ses yeux brillent dans la pénombre »), ne suscite ni méfiance ni gêne. Mais la distance est là, posée d’emblée : le texte entérine l’absence de contact entre deux villes, entre deux individus. Le sujet fait l’expérience de sa propre étrangeté ; et ce « détour » se révèle indispensable au recueillement fécond dont l’essai veut rendre compte. En effet, si le « rêveur » va s’éprouver comme « rapatrié » dans son rapport fondamental à la vie, il perçoit également dans ce lieu « autre » une manière différente d’être au monde : le souffle de l’Arabe, les « bruits de la ville » (de la ville arabe, donc) qui se précisent ensuite en « voix jeunes » puis en derbouka et « voix rieuse », ne perturbent en rien le « chant du monde ». Il existe une manière de vivre de plain-pied avec le monde, et avec son indifférence apaisante (par deux fois, on passe de la présence arabe autour du « je » à la perception heureuse de l’indifférence du monde). Le texte ne masque pas le lien entre cette manière de vivre et la pauvreté, puisqu’il mentionne « des odeurs de ville et de pouillerie » ; il fait même discrètement le lien entre cette pauvreté de la ville arabe et celle du « quartier pauvre » de l’enfance, des ‘petits blancs’, où courent les cafards. Pour autant, il ne nie pas la séparation entre les deux univers : « Et l’Arabe qui se dresse devant moi me dit qu’il va fermer. Il faut sortir. [6] » Si Camus ne montre pas directement la colonisation et ses ravages, qu’il avait sous les yeux pendant son enfance et sa jeunesse, il revient à plusieurs reprises sur la séparation entre les deux communautés et sur la perception qu’un colon, enfant ou adulte, pouvait avoir des Arabes, « ce peuple attirant et inquiétant, proche et séparé » [7].

La proximité permet cependant à quelques protagonistes européens d’avoir une attention aiguë aux gestes et aux attitudes des Arabes [8]. C’est le cas, par exemple, de Janine dans « La femme adultère », où le texte prend constamment soin de différencier sa perception et celle du mari, Marcel, incarnation du mépris colonialiste. La nouvelle, qui épouse le point de vue de Janine et note avec précision ses sensations, désagréables ou agréables, met en valeur le contraste brutal entre les Arabes et les deux Français ; au-delà de la pénible vulgarité de son mari, Janine est consciente qu’elle et lui sont dans une inadéquation totale, qui fait d’eux des lourdauds ridicules [9]. Les Arabes, eux, sont adaptés à leur environnement : le burnous les protège du vent de sable qui déchaîne la colère vaine de Marcel ; surtout, c’est de leur côté que se situe le raffinement civilisé, comme en témoigne la scène chez le marchand, « un vieil Arabe aux moustaches blanches », qui sert le thé avec élégance tandis que l’Européen s’énerve et rit « de façon désordonnée » [10].

Dans L’Étranger, il arrive à Meursault de prêter lui aussi une attention intense aux gestes et attitudes des Arabes : dans le parloir de la prison, il perçoit avec acuité la manière différente dont les autochtones communiquent avec leur famille malgré les grilles ; alors qu’à plusieurs reprises, les Blancs se montrent vulgaires et tapageurs, les Arabes font preuve d’une retenue infiniment plus décente : « La plupart des prisonniers arabes ainsi que leurs familles s’étaient accroupis en vis-à-vis. Ceux-là ne criaient pas. Malgré le tumulte, ils parvenaient à s’entendre en parlant très bas. » On remarquera que c’est au jeune voisin de Meursault, et à sa mère qui est à côté de Marie, qu’est prêtée cette communication par les regards, dont d’autres textes de Camus font un sommet de la communication tendre entre les êtres : « Mon voisin de gauche, un petit jeune homme aux mains fines, ne disait rien. J’ai remarqué qu’il était en face de la petite vieille et que tous les deux se regardaient avec intensité. [11] » 

Dans le premier chapitre du Premier Homme, c’est à la narration elle-même qu’est dévolue cette fonction d’observation minutieuse. Même si Lucien Cormery, le père de l’enfant en train de naître, est plus rapide que lui, le vieil Arabe a très exactement les gestes qu’il faut pour rendre la maison un peu accueillante : en quelques minutes, il y procure la lumière, la chaleur et un minimum de confort. Il est très significatif que Camus ait ajouté en marge sur le manuscrit la phrase : « L’Arabe avait déjà allumé le feu et le garnissait de sarments de vigne avec des gestes précis et adroits. [12] » Le texte mentionne à plusieurs reprises son sourire et détaille son geste, venu d’une tradition ancestrale, en réponse au geste cordial du Français. C’est lui, à la fin du chapitre, qui a l’initiative du geste fraternel : il invite Lucien à s’abriter de la pluie sous le même sac que lui [13]. Cette proximité n’occulte pas le rapport inégal. À deux reprises, le texte précise que le Français se substitue à l’Arabe pour plus d’efficacité : il prend les rênes de la carriole des mains du vieil homme ; et la jeune Arabe qui a aidé à l’accouchement se retire à l’arrivée du docteur. On aura noté également que ces indigènes, caractérisés par la cordialité, l’efficacité et le raffinement, sont souvent âgés ; le « vieil Arabe » est une figure spécifique qui inspire confiance.

Saïd, l’ouvrier des « Muets », « le seul Arabe de l’atelier » [14] où travaille Yvars, le protagoniste de la nouvelle, n’est sans doute pas vieux ; fidèle à la réalité socio-économique d’Alger avant la guerre, la nouvelle le situe comme l’homme à tout faire de l’équipe, intégré mais vivant dans une misère que ne connaissent pas les autres ouvriers, pourtant pauvres ; une scène, brève et cependant lourde de sens, lui confère une dignité sans égale :

Il commençait de manger lorsque, non loin de lui, il aperçut Saïd, couché sur le dos dans un tas de copeaux, le regard perdu vers les verrières. Il lui demanda s’il avait déjà fini. Saïd dit qu’il avait mangé ses figues. Yvars s’arrêta de manger. [...] Il se leva en rompant son pain et dit, devant le refus de Saïd, que la semaine prochaine tout irait mieux. « Tu m’inviteras à ton tour », dit-il. Saïd sourit. Il mordait maintenant dans un morceau du sandwich d’Yvars, mais légèrement, comme un homme sans faim. [15]

Ces quelques exemples montrent la précision avec laquelle Camus évoque l’Algérie coloniale, à partir du point de vue dont il a lui-même l’expérience, celui des petits blancs. Les zones de contact entre cette communauté et la communauté arabe sont réelles mais ténues ; elles impliquent rarement une familiarité assez grande pour que les protagonistes connaissent le nom des Arabes qu’ils rencontrent. Selon tous les témoignages, c’était bien la situation de l’Algérie des années 1930, dont Camus n’occulte d’ailleurs pas la violence latente.

Il montre clairement qu’à cette époque, pour les Européens, le statut de minorité ethnique engendrait le malaise, sinon l’angoisse. Dans la proximité physique de l’autocar, au début de « La femme adultère », le silence des Arabes, « leur impassibilité finissaient par peser à Janine ; il lui semblait qu’elle voyageait depuis des jours avec cette escorte muette » [16]. Les gens du Sud, qui regardent l’autocar arrêté, ne sont pas plus rassurants : « Sous le capuchon du burnous, et derrière un rempart de voiles, on ne voyait que leurs yeux. Muets, venus on ne savait d’où, ils regardaient les voyageurs. » Mystérieux, ils suscitent le malaise. Janine d’ailleurs ne comprend toujours pas l’arabe, cette langue « qu’elle avait entendue toute sa vie » [17]. Le malaise va jusqu’au rejet de cette différence, linguistique et ethnique, perçue comme une inquiétante étrangeté. Par ailleurs, bien qu’elle soit différente de son mari, Janine a parfois le réflexe colonialiste : elle se met à détester un Arabe qui les ignore ostensiblement, inversant momentanément le mépris et accentuant en elle l’impression d’inadéquation, en particulier la gêne de son corps pesant [18]. De loin, en revanche, les autochtones deviennent mythiques : ils incarnent la liberté et le rapport avec l’infini, « seigneurs misérables et libres d’un étrange royaume » pour cette femme enfermée dans l’exil étriqué de sa vie quotidienne. Certes, les nomades touaregs qu’elle aperçoit au loin dans le désert sont des Berbères, non des Arabes ; mais la ville arabe est à l’unisson du désert alors que Janine s’y sent étrangère, « trop grande, trop épaisse, trop blanche aussi pour ce monde » [19]. Parce que son héroïne est un être d’une grande sensibilité, que le texte reste au ras de ses impressions, celles-ci étant avivées par le séjour dans une contrée inconnue d’elle, « La femme adultère » propose une analyse très fine de la manière dont un Européen non-raciste pouvait vivre sa situation dans l’Algérie avant la guerre d’indépendance. On retrouvera cette perception dans Le Premier Homme.

Dans d’autres œuvres de Camus, ce qui est perçu par le petit blanc, c’est une menace latente. Meursault tue un Arabe [20]. Celui-ci n’a pas de nom, certes : Meursault, qui raconte à la première personne, ne le connaît pas, et ce n’est pas Raymond, raciste comme il est, qui se soucierait de s’en enquérir ; on est donc là dans l’ordre du fait réaliste. Ce qui pose question, en revanche, c’est que la victime du meurtre soit un Arabe alors que, dans La Mort heureuse [21] Mersault tuait un Européen, Zagreus ; s’il s’était agi simplement de faire courir au meurtrier le risque de la peine de mort, il aurait été plus plausible que la victime fût un Européen. Mais, en-deçà des connotations mythiques de la scène du meurtre, Camus veut aussi montrer la situation coloniale : face aux Européens, l’Arabe défend l’honneur d’une femme, puis le lieu désirable de la plage, l’ombre près de la source fraîche. Quand Meursault reconnaît qu’il a « détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où [il] avai[t] été heureux », il a peut-être conscience d’avoir détruit aussi quelque chose comme « l’équilibre » de ce pays de coexistence difficile, d’avoir fait entrer la mort aux lieux où l’on avait espéré être, en fermant les yeux sur la situation coloniale, à l’abri de l’Histoire. Pour cette destruction, il accepte de payer, c’est-à-dire d’entrer dans le malheur, lui qui avait jusque-là tenté de s’en protéger en restant à l’écart des histoires et de l’Histoire : « Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte [...]. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. [22] » Dans la seconde partie du roman, s’il n’exprime pas de remords de son acte, et s’il crie son horreur de la peine de mort, il ne s’élève jamais contre une sentence qu’il estimerait injuste.

Camus rend compte également de la manière dont l’imaginaire occidental est habité par l’idée d’une violence ancestrale inhérente aux Arabes et sans cesse prête à ressurgir. Face au revolver, Meursault utilise l’arme « primitive » du couteau. Le prisonnier arabe amené à Daru dans « L’Hôte » « a tué le cousin d’un coup de serpe » pour une affaire de grain, et le gendarme Balducci d’ajouter en faisant « le geste de passer une lame sur sa gorge » : « Tu sais, comme au mouton, zic ! ... [23] » On retrouve des images de violence « barbare » dans Le Premier Homme, dans les souvenirs de la guerre de 1905 contre le Maroc que rapporte à Jacques Cormery un témoin qui y a connu son père : celui-ci avait été pris de colère et de dégoût devant le sort atroce réservé à des sentinelles françaises [24].

Avant de revenir sur « L’Hôte » et sur Le Premier Homme, où Camus dessine l’Algérie au bord de la guerre d’indépendance, il faut s’arrêter sur le dernier chapitre du roman inachevé où il montre Jacques Cormery, son alter ego, devenu adolescent, donc aux environs de 1930, qui commence à percevoir la situation coloniale, lui jusque-là plus sensible aux inégalités sociales ; à son arrivée au lycée, il constate par exemple la rareté des élèves arabes [25]. Surtout, Camus tente de cerner la coexistence tendue entre les deux communautés dans un quartier comme Belcourt ; la phrase entre tellement dans les nuances qu’il faut la citer largement pour ne pas la trahir :

[...] cet immense pays autour de lui dont, tout enfant, il avait senti la pesée avec l’immense mer devant lui et derrière lui cet espace interminable de montagnes, de plateaux et de désert qu’on appelait l’intérieur, et entre les deux le danger permanent dont personne ne parlait parce qu’il paraissait naturel mais que Jacques percevait lorsque, dans la petite ferme aux pièces voûtées et aux murs de chaux de Birmandreis, la tante passait au moment du coucher dans les chambres pour voir si on avait bien tiré les verrous sur les volets de bois pleins et épais, pays où précisément il se sentait jeté, comme s’il était le premier habitant, ou le premier conquérant, débarquant là où la loi de la force régnait encore et où la justice était faite pour châtier impitoyablement ce que les mœurs n’avaient pu prévenir, avec autour de lui ce peuple attirant et inquiétant, proche et séparé, qu’on côtoyait au long des journées, et parfois l’amitié naissait, ou la camaraderie, et, le soir venu, ils se retiraient pourtant dans leurs maisons inconnues, où l’on ne pénétrait jamais, barricadées aussi avec leurs femmes qu’on ne voyait jamais, ou, si on les voyait dans la rue, on ne savait pas qui elles étaient, avec leur voile à mi-visage et leurs beaux yeux sensuels et doux au-dessus du linge blanc, et ils étaient si nombreux dans les quartiers où ils étaient concentrés, si nombreux que par leur seul nombre, bien que résignés et fatigués, ils faisaient planer une menace invisible qu’on reniflait dans l’air des rues certains soirs où une bagarre éclatait entre un Français et un Arabe, de la même manière qu’elle aurait éclaté entre deux Français et deux Arabes, mais elle n’était pas accueillie de la même façon, et les Arabes du quartier, vêtus de leurs bleus de chauffe délavés ou de leur djellabah misérable, approchaient lentement, venant de tous côtés d’un mouvement continu, jusqu’à ce que la masse peu à peu agglutinée éjecte de son épaisseur, sans violence, par le seul mouvement de sa réunion, les quelques Français attirés par des témoins de la bagarre et que le Français qui se battait, reculant, se trouve tout d’un coup en face de son adversaire et d’une foule de visages sombres et fermés qui lui auraient enlevé tout courage si justement il n’avait pas été élevé dans ce pays et n’avait su que seul le courage permettait d’y vivre, et il faisait face alors à cette foule menaçante et qui ne menaçait rien pourtant, sinon par sa présence et le mouvement qu’elle ne pouvait s’empêcher de prendre, et la plupart du temps c’étaient eux qui maintenaient l’Arabe qui se battait avec fureur et ivresse pour le faire partir avant l’arrivée des agents [...] et, après leur départ, la menace, la violence, la peur rôdaient pour l’enfant dans la rue, lui séchant la gorge d’une angoisse inconnue. [26]

À lire ce texte, on comprend mal qu’on puisse encore, après la parution du Premier Homme, reprocher à son auteur de n’avoir voulu peindre qu’une Algérie sans Arabes ; il semble au contraire que, plus il avance dans l’écriture, plus celle-ci lui paraît à même de dire quelque chose de l’Algérie de son enfance. Le regard porté sur « l’autre » est multiple et mouvant ; la richesse de la fiction est bien de pouvoir en faire ressortir les nuances, de la sympathie à la peur.

Dans ces mêmes années 1930 et 1940, les articles de Camus témoignent de sa conscience grandissante de la condition du colonisé : dans la série « Misère de la Kabylie » (1939), il dénonce la misère des Arabes créée et entretenue par la colonisation ; d’autres articles [27] s’élèvent contre l’injustice de la France, qui envoie les Algériens à la mort quand elle est en guerre, tout en leur déniant les droits qu’ils réclament ; en 1945, dans plusieurs éditoriaux de Combat, il est un des rares journalistes français à dénoncer la répression violente des émeutes de Constantine par l’armée.

Pour autant, il n’est pas faux de dire que le monde arabe reste pour lui terra incognita : il méconnaît l’islam [28] ; il n’apprend pas l’arabe ; il reste longtemps partisan de l’assimilation, sans voir que celle-ci ne correspond plus aux aspirations du peuple algérien [29]. Mais la violence de la répression de mai 1945 lui fait prendre conscience de l’évidence : « le peuple arabe existe » et il le rappelle à l’opinion française dans un éditorial de Combat [30] ; il le redit dans L’Express en 1955, au moment où il renonce aux thèses assimilationnistes : « le peuple arabe a gardé sa personnalité qui n’est pas réductible à la nôtre » et qu’il faut reconnaître pour respecter les « droits » du « peuple arabe » [31] ; et l’expression revient à trois reprises dans l’« Avant-propos » des Chroniques algériennes, en 1958 [32]. Mais, même après le début de la guerre d’indépendance, il ne reconnaît pas la nation algérienne : « Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. Les Juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Berbères, auraient autant de droit à réclamer la direction de cette nation virtuelle » [33]. C’est la première raison pour laquelle il ne prendra jamais le parti de l’indépendance algérienne ; les autres, pour le dire vite, étant sa crainte de l’établissement d’un « empire arabe » sous l’égide de Nasser, sa méfiance envers les méthodes autoritaires du FLN et, surtout, sa certitude qu’aucun compromis ne sera possible si l’indépendance est acquise sous l’égide de celui-ci, et que les Européens devront quitter l’Algérie.

Ses articles ne cessent de mentionner le peuple arabe et ses souffrances ; dès le déclenchement de l’insurrection, il plaide pour les civils arabes qui souffrent, plus encore que les civils français, de la violence des deux camps ; c’est pour eux aussi qu’il lance en 1956 son « Appel pour une trêve civile » [34] et qu’il dit son espoir que, sur le démantèlement du système colonial, puisse se créer une « Algérie de la justice, où Français et Arabes s’associeront librement » [35], une Algérie multi-ethnique dont les textes de 1958 de Chroniques algériennes dessinent les contours. Pendant la guerre, il maintient le contact le plus étroit possible avec ses amis algériens et avec ces « libéraux » qui, sur place, défendent eux aussi une troisième voie. Même quand il cesse de prendre position publiquement, il continue ses interventions discrètes auprès de l’Élysée pour obtenir la grâce de militants algériens condamnés à mort, et il y parvient souvent [36].

Tout est autrement complexe quand il s’agit d’évoquer dans les fictions l’Algérie en guerre. Dans « L’Hôte » (1957) et Le Premier Homme, le roman interrompu par sa mort, Camus adopte à nouveau, pour raconter, le point de vue d’Européens en Algérie. Mais les deux protagonistes ont des expériences, donc des regards, différents : Daru, l’instituteur de « L’Hôte », vit depuis longtemps sur les Hauts-Plateaux, où il a choisi d’enseigner, au contact d’une misère qui le hante ; terminée en 1954, la nouvelle situe le récit à ce moment des débuts de la guerre. Jacques Cormery, dont il a déjà été question, a quitté l’Algérie de son enfance pour faire carrière en métropole ; il y revient régulièrement, et plus longuement pour cette « recherche du père » que Le Premier Homme situe en 1953. Les deux récits insistent sur l’existence, et même l’enracinement, de deux communautés sur la terre algérienne [37] ; quelle image donnent-ils de la coexistence de celles-ci ?

Dans « L’Hôte », le prisonnier amené à Daru par le gendarme Balducci a été arrêté pour un crime de droit commun – qu’il ne nie pas. Il n’a pas de nom : Balducci, raciste méprisant, ne juge pas utile de le transmettre [d’ailleurs, il est persuadé que le prisonnier ne parle ni ne comprend le français, ce qui est faux [38]] ; mais Daru ne le lui demande pas non plus. Il le regarde cependant avec attention, sensible aux traits essentiels de son visage et à la présence physique de cet « hôte » dont il souhaite la fuite, non par répulsion, mais par refus d’être l’intermédiaire de la justice [39]. Tout en détestant son meurtre, il accueille le prisonnier, chacun des deux hommes devenant, grâce à la polysémie du mot, « l’hôte » de l’autre [40]. Quand l’Arabe lui dit : « Viens avec nous » [41], la formule, censée concerner la poursuite du voyage vers la prison avec le gendarme, se charge d’implicite dans la bouche d’un homme qui a partie liée avec le maquis. Camus suggère-t-il un moment de proximité humaine, et peut-être aussi politique, entre ces deux hommes dont le texte précise : « [...] hors de ce désert, ni l’un ni l’autre, Daru le savait, n’auraient pu vivre vraiment » [42] ? Le dénouement, lui, défait cette possible proximité : l’incompréhension irrémédiable entre les deux hommes rend inopérant le respect antérieur ; et Daru se trouve de fait exclu de ce qui lui était un royaume.

Le Premier Homme, pour ce que nous en avons, manifeste avec plus d’éclat encore l’enracinement des deux communautés sur le même sol, mais dit en même temps combien le rêve de leur coexistence pacifique est sans doute déjà devenu impossible dans l’Algérie de 1953. La coexistence tendue, mais parfois heureuse, qui existait dans l’enfance de Jacques s’est muée en violence haineuse : le vieux colon à qui on ordonne d’évacuer ses terres détruit tout dans sa propriété avant de partir [43] ; une bombe explose à un arrêt de bus, faisant un carnage, et la foule est prête à lyncher un Arabe qui passait par là (p. 785-786) ; même la mère de Jacques, qui n’est que douceur, parle des militants indépendantistes comme de « bandits » dont il faut se protéger (p. 784 et 818). Certes, Jacques sauve l’Arabe du lynchage ; et il explique à sa mère et à son oncle la différence entre les bandits et « les autres Arabes » (p. 819). Mais il est clair que les zones de coexistence paisible, dessinées par exemple par le chapitre de la naissance de Jacques, n’existent plus. Au lieu de cela, on a un bref croquis de mœurs d’une famille arabe imprégnée jusqu’au ridicule des représentations coloniales : « Parfois des familles entières d’Arabes passaient, ainsi endimanchées. L’une d’elles traînait trois enfants dont l’un était déguisé en parachutiste » (p. 784).

Comment Camus aurait-il, dans la suite du roman, prolongé la réflexion sur la guerre d’Algérie ? Des fragments de brouillons montrent qu’il songeait à donner à Jacques Cormery un ami arabe qui, après une éducation occidentale, aurait choisi la solidarité avec son peuple opprimé et rejoint, malgré des réticences profondes, les rangs du FLN. Il a même esquissé, entre les deux hommes, quelques dialogues tendus portant sur la fidélité et la trahison l’un par rapport à l’autre et chacun par rapport à sa communauté respective (p. 922-923 et p. 940-941). Mais il ne paraît pas convaincu de ces possibilités de dialogue : à cet Algérien, il donne le nom de Saddok, celui du caïd tué par les rebelles indépendantistes, en même temps que l’instituteur Guy Monnerot, le 1er novembre 1954, qui marque le début de la guerre d’Algérie. Par ailleurs, une addition marginale marque sa difficulté à traiter ces scènes : « Tout ça dans un style invécu (lyrique non réaliste précisément) » (p. 940).

À travers ce rapport entre Jacques et Saddok, Camus aurait sans doute tenté de mettre en œuvre le motif des frères ennemis, ceux-ci n’étant pas les Français et les Algériens, mais tous ceux, Arabes et Européens, qui sont nés en Algérie. Une scène de la partie rédigée a déjà travaillé ce motif : Veillard, le fils du vieux colon qui a tout détruit avant son départ, est décidé à rester en Algérie, dût-il y mourir ; il est persuadé que, seuls, les Arabes peuvent le comprendre : « On est fait pour s’entendre. Aussi bêtes et brutes que nous, mais le même sang d’homme. On va encore un peu se tuer, se couper les couilles et se torturer un brin. Et puis on recommencera à vivre entre hommes. C’est le pays qui veut ça. » (p. 852) Certes la position sommaire de Veillard n’est pas celle de Camus, pour qui il ne s’agit pas de recommencer « à vivre entre hommes » mais bien d’inventer une nouvelle Algérie. Camus serait-il parvenu, dans le dialogue entre Cormery et Saddok, à réécrire de façon convaincante le mythe de Caïn et Abel, auquel il fait référence dans une note (p. 933), à montrer une fraternité vivante, active, détruite par quelque chose de plus fort que les frères et aboutissant à leur séparation, voire au fratricide ? Peut-être : au cœur de la guerre, il maintient des liens profonds avec des Algériens nationalistes ; il est salué comme frère ennemi par Kateb Yacine [44] ; et il prône « le courage de reconnaître les raisons de l’adversaire » [45]. Cela aurait-il suffi pour qu’il parvienne à faire exister de façon convaincante cet ami arabe de Jacques Cormery, à rendre compte de leur face à face avec cette justesse qui caractérisait sa peinture de la coexistence entre les deux communautés dans l’Algérie coloniale ? et, qui plus est, à raconter cela au moment même où la guerre se poursuivait, atroce, et où se précisait l’éviction de ceux qu’on allait bientôt appeler les pieds-noirs ? Peut-être pas...

En juin 1939, le jeune journaliste d’Alger républicain concluait sa série « Misère de la Kabylie » sur la « sagesse » du peuple arabe [46]. On peut regretter que Camus ne se soit pas davantage approché de ce « frère » ; du moins doit-on lui reconnaître le mérite du respect et de la lucidité déchirée.

Agnès Spiquel
Les écrivains français et le monde arabe,
coordination éditoriale de R. Heyndels, directeur éditorial Madeleine Bertaud, Adirel, Travaux de littérature, XXIII, 2010, éd. Droz, 2010, ISBN : 978-2-9518403-8-6.


Notes :

  1. A. Camus, Actuelles III. Chroniques algériennes, in Œuvres complètes en 4 volumes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade » (désormais : OC, notre édition de référence). T. IV (1957-1959), Raymond Gay-Crosier (dir.), 2008, p. 293 et sq.
  2. Alger, Éditions Barzakh, 2004. Voir aussi les très utiles mises au point de Guy Pervillé, entre autres « Camus était-il raciste ? Le témoignage du Premier Homme », 2003 http://guy.perville.free.fr/spip/ar....
  3. Voir Jacqueline Lévi-Valensi, Albert Camus ou La Naissance d’un romancier (1930-1946), Gallimard, 2006 (en particulier, p. 30-41).
  4. « Entre oui et non », L’Envers et l’endroit, OC, t. I (1931-1944), dir. J. Lévi-Valensi, 2006, p. 48. « maure », chez Camus, qualifie ce qui relève de la civilisation du Maghreb (voir « La Maison mauresque » ibid., p. 967-975) en soulignant sa différence.
  5. Ibid., loc. cit. On a voulu voir là un trait d’animalisation, alors qu’il s’agit d’une « chose vue » observable, de nos jours encore, dans les pays méditerranéens.
  6. Ibid., p. 48-54.
  7. Le Premier Homme, OC, t. IV, p. 912. Je reviendrai sur cette phrase, une des toutes dernières que Camus ait écrites en décembre 1959.
  8. Voir le chapitre de C. Chaulet-Achour sur « la double autochtonie » dans Le Premier Homme (op. cit. ci-dessus, n. 2, p. 88-92).
  9. « La femme adultère », L’Exil et le royaume, OC, t. IV, p. 9-10.
  10. Ibid., p. 10.
  11. L’Étranger, OC, t. I, p. 183-184.
  12. Le Premier Homme, p. 745. Sa belle-fille, qui aide à l’accouchement, a elle aussi des gestes précis (p. 750).
  13. Ibid., p. 746 et p. 750.
  14. « Les Muets », L’Exil et le royaume, OC, t. IV, p. 38. Saïd devient Abder dans Le Premier Homme (p. 817).
  15. « Les Muets », p. 41-42.
  16. « La femme adultère », déjà cité, p. 4.
  17. Ibid., p. 6-8.
  18. Ibid., p. 11-12.
  19. Ibid., p. 14.
  20. L’Étranger, OC, t. I, p. 168-176.
  21. La Mort heureuse est le roman que Camus écrit juste avant L’Étranger, mais sans le publier (OC, t. I, p. 1103-1196).
  22. L’Étranger, p. 176. C’est moi qui souligne.
  23. « L’Hôte », L’Exil et le royaume, OC, t. IV, p. 50.
  24. Mais, quand on lui avait rappelé les atrocités commises aussi par des Français, c’est toute l’espèce humaine, capable d’oublier « ce qu’est un homme » (c’est-à-dire quelqu’un qui « s’empêche ») qu’il s’était mis à vitupérer (Le Premier Homme, p. 779).
  25. Ibid., p. 863.
  26. Ibid., p. 912.
  27. Voir en particulier « Réflexions sur la générosité » (mai 1939), OC, t. IV, p. 1320-1322 et notule, p. 1571.
  28. Jeanyves Guérin, article « Islam », Dictionnaire Albert Camus, sous la direction de Jeanyves Guérin, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2009, p. 432-434.
  29. Fehrat Abbas, dont Camus est proche dans les années 1930, s’en éloigne pour rejoindre les nationalistes ; voir l’article de Guy Pervillé dans le Dictionnaire A. Camus, op. cit., p. 3-4.
  30. « Crise en Algérie », Combat, 13-14 mai 1945, repris dans Chroniques algériennes, OC, t. IV, p. 338.
  31. « La vraie démission », L’Express, 25 octobre 1955, repris dans Chroniques algériennes, p. 362.
  32. P. 297, 300, 301.
  33. « Algérie 1958 », Chroniques algériennes, p. 388.
  34. « Appel pour une trêve civile en Algérie », lancé à Alger le 26 janvier 1956, repris dans Chroniques algériennes, p. 372-380. Citons également, à nouveau, leur « Avant-Propos » : « [...] il faut cesser de considérer en bloc les Arabes d’Algérie comme un peuple de massacreurs. La grande masse d’entre eux, exposée à tous les coups, souffre d’une douleur que personne n’exprime pour elle. Des millions d’hommes, affolés de misère et de peur, se terrent pour qui ni Le Caire ni Alger ne parlent jamais. » (p. 301).
  35. « Trêve pour les civils », L’Express, 10 janvier 1956, repris dans Chroniques algériennes, p. 368.
  36. Voir les éléments précis apportés par Olivier Todd dans sa biographie, Camus, une vie (Gallimard, 1996, p. 681-686), ainsi que les témoignages de Germaine Tillion et Jean Daniel.
  37. C. Chaulet-Achour a bien analysé les manifestations et les ambiguïtés de cette « double autochtonie » (op. cit., p. 88).
  38. « L’Hôte », L’Exil et le royaume, OC, t. IV, p. 50 ; mais ensuite, le prisonnier parle à Daru et le comprend, et rien ne dit que leur dialogue se passe en arabe (alors que le texte le précisait pour Balducci, p. 48).
  39. Ibid., p. 48.
  40. Il lui fait délier les mains et lui sert du thé (p. 49 et 50), lui prépare un bon repas et un lit (p. 53) puis des provisions pour la route (p. 57).
  41. Ibid., p. 54.
  42. Ibid., p. 52.
  43. Le Premier Homme, p. 850-851. On ne sait ce que Camus aurait fait de la harangue solennelle qui figure dans les fragments qui accompagnent le roman inachevé : « Rendez la terre... » (p. 944-945). Comme il n’est plus question que du Premier Homme jusqu’à la fin de l’article, les références seront données directement dans le texte.
  44. Kateb Yacine, Éclats de mémoire, textes réunis et présentés par Olivier Corpet et Albert Dichy, Paris, IMEC, 1994, p. 33.
  45. Chroniques algériennes, p. 365.
  46. Texte repris dans Chroniques algériennes, p. 336.

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